Quatrième de
couverture :
« – Et l'enfant?
demanda Daragane. Vous avez eu des nouvelles de l'enfant?
– Aucune. Je me
suis souvent demandé ce qu'il était devenu... Quel drôle de départ
dans la vie...
– Ils l'avaient certainement
inscrit à une école...
– Oui. À l'école
de la Forêt, rue de Beuvron. Je me souviens avoir écrit un mot pour
justifier son absence à cause d'une grippe.
– Et à l'école de
la Forêt, on pourrait peut-être trouver une trace de son passage...
– Non,
malheureusement. Ils ont détruit l'école de la Forêt il y a deux
ans. C'était une toute petite école, vous savez...»
Patrick Modiano vers 1970
Ce que j’en
ai pensé :
Nouveau roman de
Patrick Modiano et nouvelle plongée dans son univers parisien au gré
de ses souvenirs.
Cette fois, le narrateur (qui
s’appelle Jean à nouveau, comme dans « L’herbe des
nuits ») semble prendre ses distances avec ce Paris qu’il ne
reconnaît plus, il s’enferme chez lui, trouvant « Paris trop
lisse ». On a l’impression étonnante que la nostalgie des
quartiers anciens est moins prégnante, qu’elle a été refoulée
dans son subconscient par un narrateur écrivain comme dé-socialisé
(il n’a rencontré et parlé à personne depuis des semaines et se
perd dans la lecture de Buffon le naturaliste, il n’aime guère
plus que la compagnie des arbres).
L'hôtel AERO, rue Puget - PARIS
Le narrateur enfouit son passé au
plus profond de sa mémoire et ce n’est que par le biais d’un
coup de téléphone et la rencontre de deux personnes prétendant
avoir retrouvé son carnet d’adresses égaré que les souvenirs
vont être sollicités. L’oubli du passé est le thème central du
roman : qui est l’enfant sur le photomaton ? qui est
Colette, la femme assassinée ? Que se passait-il dans la maison
de Saint Leu ?
Cette fois, ce n’est pas le
narrateur qui initie l’enquête mais les deux personnes inconnues
qui lui restituent son carnet : elles ont déjà rassemblé
certaines pièces du puzzle, obtenu un rapport de police, et c’est
le dossier monté par elles qui va provoquer toutes les réminiscences
du narrateur.
Le temps de la narration surprend
évidemment : le roman apparaît rapidement comme bien plus
contemporain que les précédents : les téléphones sont
portables et leur numérotation ne commence plus par 3 lettres
suivies de chiffres comme après-guerre !
Pourtant, malgré ce déplacement,
ce glissement dans le temps, on retrouve l’ambiance noire de
« L’herbe des nuits », les personnages louches, le
mystère d’une disparition , les rues vides (toujours ce Paris si
soigneusement cadastré !), le blanc (cette fois on se retrouve
Place Blanche, près du Moulin Rouge, 9ème
arrondissement), les jeux de vitres et de miroirs, et surtout, les
indices d’une autobiographie semée au fil des pages (comme des
petits cailloux « blancs » ?). L’enfant non
identifié, confié à une danseuse, n’est-ce pas Modiano
lui-même ? Le narrateur évoque sa mère qu’il attend en face
du théâtre où elle joue (Louisa Colpjin) ou encore son père qui
travaille au 73 boulevard Hausmann sans qu’il sache vraiment à
quoi (Albert Modiano ?). On ne peut s’empêcher de penser aux
indices déjà placés dans « Un pedigree » où Modiano
racontait avoir passé du temps dans un haras à Saint Lô (ici,
c’est Saint Leu et les protagonistes gravitent dans le milieu
hippique !) sous la garde d’une baby-sitter…
(Rudy Modiano -à gauche- et Patrick)
Malgré les multiples repères
proprement modianesques, les références « chuchotées »,
l’impression (amoindrie ici, à mon sens) de toujours lire le même
roman, je me suis étonnée de ce titre peu commun ! Aucun des
27 romans précédents ne forme jamais une phrase ni ne comporte de
verbe…
A faire l’inventaire des livres
de Modiano sur mes étagères, je me suis rendue compte qu’il me
manquait « Accident nocturne » que je suis sûre d’avoir pourtant lu et/ou
possédé ! Ce soir, je l'ai ajouté à ma liste de lectures
à venir !
Modiano est en 5ème position sur la liste des possibles Nobel de littérature ! ça serait bien :o)
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