Okavango - Caryl FEREY

Editions GALLIMARD- Série Noire

Parution : 17 août 2023

544 pages



Ce qu'en dit l'éditeur :

Engagée avec ferveur dans la lutte anti-braconnage, la ranger Solanah Betwase a la triste habitude de côtoyer des cadavres et des corps d'animaux mutilés.
Aussi, lorsqu'un jeune homme est retrouvé mort en plein cœur de Wild Bunch, une réserve animalière à la frontière namibienne, elle sait que son enquête va lui donner du fil à retordre. D'autant que John Latham, le propriétaire de la réserve, se révèle vite être un personnage complexe. Ami ou ennemi ?
Solanah va devoir frayer avec ses doutes et une très mauvaise nouvelle : le Scorpion, le pire braconnier du continent, est de retour sur son territoire...

Premier polar au cœur des réserves africaines, Okavango est aussi un hymne à la beauté du monde sauvage et à l'urgence de le laisser vivre. 

 

Ce que j'en ai pensé : 

Premier polar de Caryl FÉREY pour moi et un sujet qui m'invite à sa lecture : l'Afrique.

Polar que j'ai lu en quelques heures mais qui m'a un peu laissée sur la touche.

L'histoire est addictive : le combat de rangers namibiens pour préserver la faune africaine sauvage en voie de disparition et très convoitée par les contrebandiers. Des gentils et des méchants au milieu de bêbêtes super dangereuses, une piqûre de rappel sur les guerres qui ont animé le sud du continent, sur les enjeux économiques (mines de diamants, trafic d'ivoire, ségrégation et racisme, colonisation..).

Pourtant, j'ai trouvé les 2 premiers tiers du polar un peu mous, pas assez "sous tension" et quelques pages peut-être inutiles parce qu'elles cassent le rythme. J'ai souri aussi au sujet des personnages, parfois à la limite de la caricature (on sait déjà qu'à la fin les méchants vont mourir, où serait la morale dans le cas contraire !!).

J'ai souvent dû relire plusieurs fois le même paragraphe avant de me faire (ou pas) au style de l'auteur, parfois haché (usage des tirets), parfois lent ou maladroit, avec des expressions "littéraires" mal appropriées qui ont ralenti ma lecture et légèrement gâché mon plaisir.

Mais, au final, c'était plutôt pas mal. A voir si je tente un des opus précédents..


La situation - Karim MISKÉ

 

Editions Les Avrils

Parution : 23 août 2023

256 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

France 2030. Kamel Kassim vit dans le quartier de Belleville et depuis trois mois, des affrontements entre coalition de gauche et milice d’extrême droite embrasent Paris et sa banlieue. Pour préserver ce qu’il reste de ses idéaux, Kamel évite de sortir de chez lui. Jusqu’au jour où une attaque au pied de son immeuble l’oblige à s’impliquer. Il plonge alors dans la noirceur d’un pays fracturé : ses rouages politiques, ses intrigues sinistres. Ses ultimes zones d’humanité qui aident à espérer.

Ce que j'en ai pensé :

Février 2030. Des membres de « La Ligue », groupuscule d'extrême-droite ultra-catho, ont fait irruption à l'Assemblée Nationale. La présidente, noire, a été pendue et tous les députés d'origine africaine ou maghrébine ont été tués. La guerre civile a obligé le Président de la République à trouver refuge à Chartres où s'installe le gouvernement tandis que l'Ile-de-France s'embrase et oppose «islamo-gauchistes », wokistes, bandes islamistes et groupes fascistes. La banlieue ouest de Paris est devenue une zone de non-droit où Uzi et Kalashnikov font régner la terreur.

Kamel, auteur de polars, s'est isolé chez lui jusqu'à ce terrible jour de mai où son univers et ses certitudes basculent…

Dans ce roman (qui, à l'éclairage des émeutes de juillet dernier semble bien loin d'une utopie), l'auteur brosse un portrait effrayant de ce qu'est en train de devenir notre société. Un monde de chaos, de terreur, où le racisme et les tous les extrémismes dessinent une image manichéiste des rapports humains.

Il donne à réfléchir sur la violence des hommes (et de leurs idées), sur le désir de vengeance et de revanche, mais apporte malgré tout une lumière, un espoir. Qui devient-on quand les fractures sociales et politiques génèrent une guerre civile ? Que reste-t-il d'humanité en chacun de nous ?

J'ai beaucoup aimé ce roman, non seulement pour les questions qu'il suscite, mais également pour le style de Karim Miské qui glisse, entre ces pages dramatiques, des références à la culture africaine, évoque la littérature et qui laisse espérer qu'il reste un peu d'intelligence chez l'homme.

Derrière ce roman qui prend souvent l'allure d'un thriller politique, j'ai apprécié le regard érudit et humaniste de l'auteur, sa faculté à faire alterner horreur et espoir, sa pertinence face à ce qui se noue dans les banlieues.

Merci à Babelio Masse Critique et aux éditions Les Avrils pour ce roman.

Coup de pelle - Alice POL

 


Editions Robert Laffont 

Parution 11 mai 2023

324 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Un village de montagne isolé par la neige, un commissariat morne, de nouveaux collègues plus calmes qu'un pré suisse à l'heure de la sieste. Voilà ce que Charlie, jeune capitaine de police obsessionnelle et singulière, découvre après une enquête criminelle douloureuse qui lui a coûté son poste.
Tandis qu'elle tente, raquettes aux pieds, de s'accoutumer à son nouvel environnement sans sombrer dans un ennui abyssal, le corps d'un jeune homme est retrouvé devant le portail d'une ferme. Affublée d'un chiot dont elle ne voulait pas et de Marc, son binôme, d'une mollesse rare, Charlie se lance, ralentie par la neige résolue à ne pas fondre, dans cette nouvelle investigation qui pourrait la mener aux confins de la souffrance, de la vengeance et de la folie.


Ce que j'en ai pensé :

 Il s'est déjà écoulé 1 an sans aucune publication ? Pourtant je n'ai pas manqué de lire, à un rythme moins soutenu qu'auparavant, certes (j'ai la flemme et je deviens plus difficile dans mes choix, éludant donc la plupart du temps la nécessité de restituer des lectures moyennes, et pour être honnête, j'ai franchement manqué de temps ces derniers mois)..mais j'ai lu...

...du mauvais (j'y reviendrai) et du bon (et je ne me vois pas faire un flashback sur 12 mois, hors peut-être sur "Free queens" de Marin LEDUN)

Bref..J'ai lu. Beaucoup.

Et je suis tombée, par hasard, et sans doute par erreur, sur le premier roman d'Alice POL, actrice..aurais-je dû me méfier ? J'y suis allée bille en tête, sans doute influencée par cet article de Ouest France.

Alice Pol s'est vue encouragée par Laurent Zeitoun (scénariste, réalisateur et producteur de, entre autres, L'arnacoeur, ou Intouchables) qui ce jour-là aurait dû être mieux inspiré.

Alors, que dire ? Alice Pol n'est déjà (à mon goût) pas une actrice notable, mais lui accordant le bénéfice du doute, j'ai  commencé ce roman.

Je simplifie à l'extrême, nullité absolue... le constat est sauvage mais ;

-Il (Laurent Zeitoun) m’a dit « Alice, il y a une voix, il y a un ton, j’ai adoré, il faut que tu le fasses lire’ »

NON, il n'y  a pas de voix, ni ton : on se retrouve face à un gloubi-boulga incompréhensible mêlant réminiscences et angoisses, enquête en cours..

Il n'y a aucun style : Alice Pol, use et abuse des adverbes et des adjectifs, et écrit, par exemple :


« Après cette escalade plus scabreuse encore que sa vie, il fallut faire le lit. Léon avait pris soin de préparer une paire de draps dépareillés jusqu'à l'outrance, ça relevait de la provocation, elle se félicita d'avoir pris son oreiller. Avec son confort incomparable, son sommeil pourrait sans doute accepter cette taie aux redoutables coloris. »


J'ai vite lâché l'affaire (au premier quart du roman,,,), m'ennuyant ferme, trouvant tout simplement indigeste ce verbiage superficiel, faussement « intellectuel », ces conversations inabouties et bancales.

Un polar un peu morne, mais surtout agaçant, et qui aurait mérité une relecture plus sévère..

Dans les brumes de Capelans - Olivier NOREK

 

Editions Michel Lafon

Parution : 7 avril 2022

410 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Une île de l'Atlantique, battue par les vents, le brouillard et la neige...

Un flic qui a disparu depuis six ans et dont les nouvelles missions sont classées secret défense...

Sa résidence surveillée, forteresse imprenable protégée par des vitres pare-balles...

La jeune femme qu'il y garde enfermée...

Et le monstre qui les traque. 

 

Ce que j'en ai pensé :

Le retour de Coste ! Six ans après le SDPJ93..exilé volontaire à St Pierre-et-Miquelon, il est à présent chargé de la protection des témoins, sous secret défense.

Des malfrats à exfiltrer et des victimes à protéger. C'est le cas d'Anna, enlevée-martyrisée par un pervers et mise à l'abri le temps de recueillir son témoignage.

Coste, blessé, en recul, (blasé ?) est encore plus attachant que dans la Trilogie 93. Méfiant par nature, il s'est retranché sur l'île et ça lui correspond bien, une vie de reclus face à la violence du monde.

Anna, insaisissable, ambivalente, fragile, dont on ne sait tout au long de ce polar de quel côté son coeur balance (syndrome de Stockholm ? envie de rédemption ?).

Des personnages forts, une ambiance (géographique) pesante et la virtuosité d'Olivier Norek  pour faire de ce polar un page-turner addictif  où les dialogues (parfois à l'économie) font mouche.

Les derniers jours des fauves - Jérôme LEROY

 

Editions La Manufacture de Livres

Parution : 3 février 2022

440 pages

 

Ce qu'en dit l'éditeur :

Nathalie Séchard, celle qui incarna l’espoir de renouveau à la tête de l’État, a décidé de jeter l’éponge et de ne pas briguer un second mandat. La succession présidentielle est ouverte. Au sein du gouvernement commence alors un jeu sans pitié. Dans une France épuisée par deux ans de combats contre la pandémie, les antivaxs manifestent, les forces de police font appliquer un confinement drastique, les émeutes se multiplient. Le chaos s’installe. Et Clio, vingt ans, normalienne d’ultragauche, fille d’un prétendant à la présidence, devient une cible...

Maître incontesté du genre, Jérôme LEROY  nous offre avec ce roman noir la plus brillante et la plus percutante des fictions politiques. De secrets en assassinats, il nous raconte les rouages de l’implacable machine du pouvoir.

 

Ce que j'en ai pensé :

Vous ne savez pas pour qui voter au second tour ? Ce n'est pas ce roman noir politique qui va vous aider ! Sans être complotiste, conspirationniste, il y a dans cet ouvrage de quoi décoder les manigances, les petites manœuvres, les arrangements "entre amis". Et de quoi dégoûter quiconque de déposer un bulletin dans l'urne.

Élections présidentielles de 2017, Nathalie Séchard devient présidente et s'entoure d'un gouvernement aux horizons et espoirs multiples, il faut composer...un peu à droite, un peu à gauche...

Évidemment, avec les Gilets Jaunes, la pandémie Covid, menaces identitaires d'ultra-droite, canicule, tout fout le camp !

On ne peut s'empêcher de dresser des parallèles, de lire entre les lignes, de substituer les noms de la fiction à ceux de la politique française. C'est souvent drôle mais ça sent mauvais !

Politique-fiction addictive, ce roman se dévore (sans toutefois que les "rebondissements" n'étonnent le lecteur !), le rythme est assez calme alors que les éléments de la narration s’accélèrent.. 

Mais....

QUI CORRIGE les épreuves à La Manufacture de Livres ???

Coquilles, fautes de grammaire, etc...ça manque de sérieux !

Quand il me faut relire deux lignes parce que LA présidente devient "IL" ou "Lui", ou que LE barbouze devient "ELLE", ou encore quand la bande son passe de la musique "thrash"...ça me gâche mon plaisir !

Le mur des silences - Arnaldur INDRIDASON

 

Editions METAILLE

Parution : 4 février 2022

Titre original : þagnarmúr

Traduction : Eric BOURY

320 pgaes

 

Ce qu'en dit l'éditeur :

C’est une maison dans laquelle les femmes ne se sont jamais senties bien, les familles n’y sont jamais restées longtemps. Une médium dit même y avoir perçu une sensation d’étouffement. Pendant des travaux de modernisation, le mur de la cave s’écroule et un corps apparaît.

Konrad enquête et met au jour des mystères anciens.

Dans le même temps il presse la police d’élucider le meurtre de son père mais il a oublié qu’à l’époque, l’enfant qu’il était avait menti, et il se retrouve soupçonné.

Toujours dans une ambiance à la Simenon et avec Konrad, un héros ici très ambigu, moyennement sympathique, noyé dans l’alcool et la solitude, un roman noir magistral dans lequel le passé et les victimes oubliées ressurgissent.

 

Ce que j'en ai pensé :

Je n'ai pas lu le précédent opus des enquêtes de Konrad, flic à la retraite ("La pierre du remords") . Mais après avoir croqué en quelques jours la trilogie de Ragnar Jonasson ("La dame de Reykjavik"), j'ai eu envie de rester en Islande et de suivre le rythme d'une enquête sans trop d'hémoglobine.

Le "héros" (si on peut lui attribuer ce qualificatif, est toujours poursuivi par ses vieux démons, son père (accessoirement truand, escroc) a été tué et son meurtre n'a jamais été résolu.

A l'occasion de la découverte d'un cadavre emmuré dans une buanderie, et au fil d'une enquête poursuivie de manière privée, Konrad remonte l'histoire.

Comme d'habitude, Arnaldur INDRIDASON joue de la temporalité , superposant  passé et présent, criminalité ancienne et enquêtes contemporaines.

On aborde ici les problématiques de la violence infra-familiale (femme battue et emprise du pervers-narcissique), de la petite délinquance (violence et cambriolages), de la pédophilie et des problèmes sociétaux tels que l'alcoolisme. Dans ce "cold case", les thèmes s'entrecroisent, tissent une ambiance.

Ça parait parfois un peu superficiel, peut-être surjoué, mais ça fonctionne.

Konrad, malgré ses défauts, ses défaillances, est un personnage attachant, un peu bancal...on aime ou pas la narration qui oscille entre passé et présent, entre nostalgie et volonté de résoudre des enquêtes criminelles, mais oui, encore une fois, j'ai aimé l'écriture d'Arnaldur INDRIDASON, son style, et le dénouement qui n'était pas tout à fait celui que j'attendais.

Encabanée - Gabrielle FILTEAU-CHIBA

 

Editions GALLIMARD - Collection Folio

Parution : 15 décembre 2021

128 pages



Ce qu'en dit l'éditeur :

Lassée par un quotidien aliénant, Anouk quitte son appartement de Montréal pour une cabane abandonnée dans la région du Kamouraska, là où naissent les bélugas. « Encabanée » au milieu de l’hiver, elle apprend peu à peu les gestes pour subsister en pleine nature. La vie en autarcie à -40 °C est une aventure de tous les instants, un pari fou, un voyage intérieur aussi. Anouk se redécouvre. Mais sa solitude sera bientôt troublée par une rencontre inattendue… 



 Ce que j'en ai pensé :

Quelle déception que ce mini-roman ! (qui n'est même pas une histoire vraie !!)

Je m'attendais à un récit relatant une expérience hors du commun et l'intrigue ne tient que sur quelques jours aux cours desquels arrivent tour à tour un chat (ça tombe bien, ça réchauffe !) et un gaillard recherché par la police pour acte de vandalisme sur une voie ferrée (ça tombe bien, la narratrice se payerait bien une partie de jambes en l'air !).

Si le livre n'avait pas été si court, je l'aurais renvoyé à l'auteur pour qu'elle se chauffe dans sa cabane !

On part du postulat que l'héroïne, Anouk, est écolo et féministe. 

Soit. 

Mais comme l'être humain est plein de contradictions, il ne lui faudra pas trois jours pour se rendre compte qu'un homme, en plus de calmer sa soudaine envie de sexe, ça sert aussi à couper du bois et à pelleter la neige pendant que madame prépare le café ! Waouh ! Nouveau genre de féminisme ?

Quant à l'écologie, il faut espérer qu'elle ne consiste pas seulement à crever de froid dans une cabane perdue au milieu de nulle part..le roman évoque les coups d'éclat d'une bande d'activistes mais semble montrer que trop s'impliquer ne sert à rien. Assez étrange..On a vite l'impression qu'Anouk est simplement auto-centrée et vaguement égoïste, de biens belles valeurs (ahem..) !

Bref, je n'ai pas trouvé grand intérêt à ce livre et d'autant moins, qu'outre une trop courte temporalité, il m'a paru survoler, de façon presque inconsistante, tous les thèmes qu'il prétendait évoquer. Et de voir virer l'expérience d'autarcie et de solitude en romance écolo m'a fait bien ricaner !

Heureusement, le savoureux langage canadien donne un peu de peps à l'ensemble ! Mais on est bien loin de Sylvain Tesson imbibé de vodka "dans les forêts de Sibérie" (y compris en qualité littéraire).

Regardez-nous danser (Le pays des autres - tome 2) - Leïla SLIMANI

 

Editions GALLIMARD - Collection La Blanche

Parution : 3 février 2022

355 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

« Année après année, Mathilde revint à la charge. Chaque été, quand soufflait le chergui et que la chaleur, écrasante, lui portait sur les nerfs, elle lançait cette idée de piscine qui révulsait son époux. Ils ne faisaient aucun mal, ils avaient bien le droit de profiter de la vie, eux qui avaient sacrifié leurs plus belles années à la guerre puis à l’exploitation de cette ferme. Elle voulait cette piscine, elle la voulait en compensation de ses sacrifices, de sa solitude, de sa jeunesse perdue. »


1968 : à force de ténacité, Amine a fait de son domaine aride une entreprise florissante. Il appartient désormais à une nouvelle bourgeoisie qui prospère, fait la fête et croit en des lendemains heureux. Mais le Maroc indépendant peine à fonder son identité nouvelle, déchiré entre les archaïsmes et les tentations illusoires de la modernité occidentale, entre l’obsession de l’image et les plaies de la honte. C’est dans cette période trouble, entre hédonisme et répression, qu’une nouvelle génération va devoir faire des choix. "Regardez-nous danser" poursuit et enrichit une fresque familiale vibrante d’émotions, incarnée dans des figures inoubliables. 

 

Ce que j'en ai pensé :

Il est loin le temps où Mathilde, jeune alsacienne et fraîche épousée d'Amine, tirait à la carabine sur les rats depuis sa misérable bicoque marocaine. Le domaine a prospéré et c'est maintenant contre les crapauds attirés par sa toute nouvelle piscine qu'elle s'énerve.

L'ambiance est à la suspicion dans ce Maroc tout juste libéré de la colonisation, le règne d'Hassan II est violence et tensions politiques. Il ne fait pas bon étaler trop sa richesse ni affirmer d'idées libertaires.

Autour de la famille Belhadj, le monde change. Les femmes rêvent de liberté, de libre choix pour leurs vies et restent pourtant prisonnières des traditions, du qu'en-dira-t-on et des milices secrètes.

C'est un monde en révolution qu'aborde la romancière dans ce second opus de la saga familiale, un monde en équilibre, au bord du gouffre, coincé entre Maghreb traditionnel et Europe des Trente Glorieuses. Un monde où l'émancipation (tant féminine par la voix d'Aïcha que masculine par celle de Selim qui rêve d'Amérique) tarde, s'oppose au conservatisme et à la répression du régime en place, et où l'accomplissement d'une réussite sociale ne garantit pas le bonheur.

Un très bon roman, vivant, mêlant vies minuscules et Histoire malgré une narration un peu "classique". Des personnages plus prégnants, plus empathiques.

A espérer que l'on n'attende pas encore 2 ans avant le prochain opus !

Le carré des indigents - Hugues PAGAN

 

Editions PAYOT-RIVAGES - Collection Rivages Noir

Parution : Janvier 2022

384 pages

 

 

Ce qu'en dit l'éditeur :

Dans «Le Carré des indigents, nous retrouvons l’inspecteur principal Claude Schneider, protagoniste récurrent des romans d’Hugues Pagan. Nous sommes dans les années 1970, peu avant la mort de Pompidou et l’accession de Giscard au pouvoir. Schneider est un jeune officier de police judiciaire, il a travaillé à Paris et vient d’être muté dans une ville moyenne de l’est de la France, une ville qu’il connaît bien. Dès sa prise de fonctions, un père éploré vient signaler la disparition de sa fille Betty, une adolescente sérieuse et sans histoires. Elle revenait de la bibliothèque sur son Solex, elle n’est jamais rentrée. Schneider a déjà l’intuition qu’elle est morte. De fait le cadavre de la jeune fille est retrouvé peu après, atrocement mutilé au niveau de la gorge.

 

Ce que j'en ai pensé :

Schneider n'est pas un type marrant. Regard gris d'étain et moue indéchiffrable derrière ses lunettes noires. Il ne s'en laisse pas conter. Un flic, dur, sans trop d'émotions visibles, et avec lui, une équipe soudée, un brin hétéroclite (on a les boulets qu'on mérite) avec comme point commun de ne pas trop aimer la hiérarchie.

A priori intègre et droit, a priori incorruptible, pas le genre qu'on amadoue ou qu'on émotionne..jusqu'au meurtre sordide de Betty, gamine qui lui renvoie des flashes de ses amours algériennes, du temps où il était légionnaire.

Drôle de polar. 

Polar d'ambiance, d'abord dans cette France des 30 Glorieuses, avec moultes clopes grillées dans les bureaux de la Police Judiciaire, avec ratonnades et cars de ramassage des SDF. Ça bastonne dans les couloirs.

Polar lent, très lent. Avec les méthodes d'investigation des années 1970, les enquêtes piétinent, hésitent..

Polar triste. Parce que si Schneider n'est pas un marrant, si son ressenti n'est pas lisible, dans la narration, il plombe l'ambiance. Et toute la narration s'en ressent, lente, cafardeuse, comme voilée d'une brume opaque. 

Pourtant, ça fonctionne ! Ce Schneider, vraiment à part, désenchanté, finit par en être attachant, presque plus humain qu'il ne le laisse transparaître, et on s'attache à résoudre l'affaire, à savoir qui a fait du mal à Betty.

Le Grand Monde - Pierre LEMAITRE

 

Editions CALMANN-LEVY

Parution : 25 janvier 2022

592 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

La famille Pelletier.

Trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d’exotisme, une passion soudaine et irrésistible.
Et quelques meurtres.

 
 
 

Ce que j'en ai pensé :

Mars 1948 entre Paris, Beyrouth et Saïgon. 

Une famille qui se retrouve sans savoir que c'est la dernière fois que tous ses membres seront réunis pour fêter l'anniversaire de la savonnerie exploitée par le patriarche. 

Sans savoir que les 9 mois à venir vont être ceux des bouleversements.

La 4ème de couverture est le parfait reflet de cette nouvelle saga familiale contée par un Pierre LEMAITRE au sommet de son art, qui imbrique petite et grande Histoire, s'approprie les grands remuements du monde au travers de gens (presque) ordinaires, le tout teinté d'humour et d'un sens de la dramaturgie subtilement utilisé.

Parce que oui, il y aura un peu de sang versé et quantité de larmes, mais il y a aussi des personnages dont Pierre LEMAITRE sait rendre l'essence (réussissant l'exploit de faire sourire le lecteur avec la fabuleuse Geneviève, matrone acide et calculatrice, frigide et vénale !).

Du boulot d'orfèvre, le début d'une saga déjà très "page-turner" ! Le rythme est enlevé, la narration oscille entre tragique et drôlerie, bref : c'est très réussi ! Et on quitte à regret la famille Pelletier...en attendant la suite !

La vertu du mensonge - Ellen G. SIMENSEN

 

Editions GALLMEISTER

Parution :6 janvier 2022

496 pages

Traduction : Hélène Hervieu



Ce qu'en dit l'éditeur :

À Hønefoss en Norvège, le policier Lars Lukassen enquête sur le meurtre présumé d’un ancien camarade de classe. Peu à peu l’ambiance de la petite ville se tend : une silhouette sinistre rôde autour des cours d’écoles et tourmente des enfants en leur chuchotant des histoires effrayantes. C’est là qu’une nouvelle enseignante, Johanna, rejoint la classe de la petite Annie, la fille de Lars. Ce dernier tombe rapidement sous le charme de la jeune femme qui semble pourtant exceller dans l’art du mensonge. 

Pourquoi ment-elle? Quels secrets a-t-elle amenés dans les profondes forêts de Hønefoss en fuyant ses terres natales près fjord de Nordgulen ? Perturbé dans ses investigations, Lars doit agir sur tous les fronts.

 

Ce que j'en ai pensé :

Roman d'ambiance teinté de polar, "La vertu du mensonge" prend son temps pour dérouler son intrigue et semer des doutes dans l'esprit du lecteur.

Il faut se faire au rythme, à ces longues pages qui tournent en rond et semblent ne mener vers rien, à ces personnages troubles qui semblent porter en eux secrets et vieilles histoires de rancune.

Si ce n'était la disparition d'une écolière, je crois que j'aurais rapidement lâché ce bouquin, tellement je m'y ennuyais (et avec l'impression de ne pas comprendre où la romancière voulait en venir..) !

Le rythme semble s’accélérer dans la deuxième partie quand on accède aux événements de 1995, quand Johanna a perdu sa jeune soeur, Ada.

Pourtant, j'ai lâché l'affaire. A moins de 50 pages de la fin...

La faute en revient principalement à la traduction !! Il y a des fautes qui me hérissent le poil et, là, j'en suis désolée, je ne parviens pas à passer outre..

 

Chapitre 65 - page 392 :

"Sa fille n'avait pas tant d'importance à ses yeux, sinon il l'aurait mieux surveiller."

SURVEILLÉE !

Chapitre 73 - page436 :

"Le lensmann a pris le relai."

RELAIS !!

 

et j'ai tiqué sur un "il nota qu'elle posa"...on ne devrait pas écrire "il nota qu'elle posait" ?????

Gallmeister, si vous passez par là...payez des cours de grammaire-orthographe à vos traducteurs, merci !

Résultat : BOF.

Traverser la nuit - Hervé LE CORRE

 

Editions RIVAGES - Collection Rivages Noir 

(dirigée par François GUÉRIF)

Parution : 20 janvier 2021

320 pages

 

Ce qu'en dit l'éditeur :

Louise a une trentaine d’années. Après la mort accidentelle de ses parents, elle a dérivé dans la drogue et l’alcool. Aujourd’hui elle vit seule avec son fils Sam, âgé de 8 ans, sa seule lumière. Elle est harcelée par son ancien compagnon qui, un jour, la brutalise au point de la laisser dans un état grave. Il blesse aussi grièvement la meilleure amie de Louise. L’enquête est confiée au groupe dirigé par le commandant Jourdan, qui ne reste pas insensible à Louise. Parallèlement un tueur de femmes sévit, pulsionnel et imprévisible, profondément perturbé.

Au cœur de ces ténèbres et de ces deux histoires, Jourdan, un flic, un homme triste et taiseux, qui tente de retrouver goût à la vie...

 

Ce que j'en ai pensé :

Lorsque j'ai commencé ce polar, à sa parution, je l'ai abandonné au bout de quelques chapitres. J'avais l'impression d'être entre deux mondes : à la fois gagnée par la dépression et submergée par un style que je trouvais un brin trop alambiqué pour un polar...

Mea maxima culpa.

Au hasard du rangement de ma bibliothèque, rayon polars Rivages Noir, je me suis dit qu'il valait sans doute mieux que ma première impression. 

Verdict ? Je n'ai pas pu lâcher ce bouquin !! Sombre, sombre, sombre...

Avec un flic perdu mais bien loin des clichés offerts par d'autres rompols, un flic fatigué qui sent venir le moment où il va basculer...Et ce qui m'a accrochée ! Un vrai personnage de polar, en équilibre entre police-justice et réflexes humains primaires, un type tiraillé entre son sens du métier (et il en a vu des horreurs) et l'envie d'en découdre ! 

Femme battue, enfance sur la défensive, malfrats de petit acabit, soldat en stress post-traumatique (?), inceste familial (de la part de la mère !!), prostituées éventrées...Oups !

Et en plus, il pleut. Bordeaux parait tout de suite moins bourgeois et commence à ressembler à ces banlieues d’Île-de-France où il ne faut pas trop traîner quand la nuit tombe.. 

D'un point de vue narratif, ce polar prend souvent des accents trop littéraires, mais l'écriture au scalpel accentue la cruauté de l'histoire.

RÉGAL ! pas d'autre mot !

Succion - Yrsa SIGURDARDOTTIR

 

Editions ACTES SUD - Collection Actes Noir

Parution : Mai 2019

416 pages

Traduction : Catherine et Véronique MERCY


Ce qu'en dit l'éditeur :

Assise sur les marches glaciales devant l’entrée de sa nouvelle école, Vaka regrette de n’avoir pas mis un manteau plus chaud. Apparemment, son père a oublié de venir la chercher, sa mère a oublié de lui donner de l’argent de poche cette semaine et l’école est déjà fermée. On ne peut décidément pas se fier aux adultes. Résignée à attendre, elle voit bientôt une petite fille approcher. Vaka la reconnaît tout de suite : elle est dans sa classe, c’est celle à qui il manque deux doigts. La petite fille habite juste derrière l’école, alors Vaka lui demande si elle peut venir chez elle passer un coup de téléphone pour appeler son père. Plus personne ne reverra jamais Vaka.

Dégradé et relégué au plus bas de l’échelle après les polémiques qui ont entouré sa dernière enquête, l’inspecteur Huldar doit se contenter des chiens écrasés. Jusqu’au jour où on le charge d’une vérification de routine qui bascule dans l’horreur lorsque, après un signalement anonyme, il trouve deux mains coupées dans le jacuzzi d’une maison du centre-ville. Huldar ignore encore que cette mutilation n’est que la première d’une longue série.

 

Ce que j'en ai pensé :

Quel message laisseriez-vous dans une capsule temporelle ? Sans doute pas cette liste énigmatiques de victimes de meurtres, seulement désignées par des initiales, comme l'a fait cet écolier dont le père, arrêté pour pédophilie, croupit en prison !

Dix ans plus tard, l'inspecteur Huldar est écarté d'une enquête sur un meurtre sordide, le premier d'une série. Coïncidence ?

Mais ce qui fait l'intérêt de ce polar bien macabre, c'est la plongée saisissante dans les remugles de la société islandaise : celle des laissés-pour-compte et celle des élites qui usent de leur influence. 

Pédophilie, corruption, vengeance, jeux de pouvoir, folie, carences des institutions (déjà évoquées dans  "ADN" et dans "Indésirable" ) : les thèmes abordés sont nombreux. Ils mettent en relief des personnages singuliers, souvent "borderline", sans scrupules.

Les personnages récurrents de cette série, l'inspecteur Huldar et Freyja, la psy, livrent leurs failles et leurs doutes, leurs portraits gagnent en épaisseur et le duo fonctionne parfaitement, jouant sur la dualité attraction/répulsion.

Un très bon polar, bien ficelé !