éd du Seuil - 7 janvier 2016 - 240 pages
Ce qu'en dit l'éditeur :
J’ai rencontré Reda un soir de Noël. Je
rentrais chez moi après un repas avec des amis, vers quatre heures du
matin. Il m’a abordé dans la rue et j’ai fini par lui proposer de monter
dans mon studio. Ensuite, il m’a raconté l’histoire de son enfance et
celle de l’arrivée en France de son père, qui avait fui l’Algérie. Nous
avons passé le reste de la nuit ensemble, on discutait, on riait. Vers
six heures du matin, il a sorti un revolver et il a dit qu’il allait me
tuer. Il m’a insulté, étranglé, violé. Le lendemain, les démarches
médicales et judiciaires ont commencé.
Plus tard, je me suis confié à ma sœur. Je l’ai entendue raconter à sa manière ces événements.
En
revenant sur mon enfance, mais aussi sur la vie de Reda et celle de son
père, en réfléchissant à l’émigration, au racisme, à la misère, au
désir ou aux effets du traumatisme, je voudrais à mon tour comprendre ce
qui s’est passé cette nuit-là. Et par là, esquisser une histoire de la
violence.
Édouard Louis a publié En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014) et, sous sa direction, Pierre Bourdieu. L’insoumission en héritage (PUF, 2013). Il a créé la collection «Des mots» aux Presses universitaires de France.
Ce que j'en ai pensé :
On
retrouve dans cet opus Eddy Bellegueule avec lequel l'auteur, Edouard
Louis, n'en a visiblement pas fini. Le narrateur raconte le
traumatisme d’une agression violente qu’il a subie le soir de
Noël, alors qu’il revient d'une soirée passée chez ses amis. Sa
rencontre avec Reda, parfait inconnu, s'achève par un viol et par la
sensation d'être passé très près de la mort.
« Une
double narration » :
C'est
en fait un récit dans le récit que l'auteur propose fort
habilement, une superposition de points de vue narratifs : le
sien, factuel ; celui de sa sœur qui narre l'agression à son
mari, utilisant ses propres mots, en langage picard et populaire,
presque sans respiration ; et le sien à nouveau, en correcteur
des erreurs qu'elle énonce. C'est aussi la juxtaposition de deux
mondes : son milieu populaire d'origine qu'il fuit pour un
univers plus érudit, parisien.
Ces
ruptures narratives sont parfois pénibles à la lecture,
ralentissant le rythme, changeant la perspective (on se surprend à
trouver plus empathique le personnage de Clara, naïf et toutefois
plus intelligent ; ses nombreuses digressions montrant sa
compassion alors que le narrateur reste souvent clinique dans son
récit).
« Une
histoire de la honte » :
Histoire
de la violence est surtout l'histoire d'une rédemption par la
parole pour se libérer de l'horreur, du traumatisme : parler
pour se défaire, pour en finir avec les réminiscences douloureuses,
avec la culpabilité et la honte ressenties par un narrateur qui se
surprend à céder à une stigmatisation facile. Un roman ambigu où
la violence se cache aussi dans une lutte intime et que j'ai refermé,
mitigée.
Extraits :
"Il m'a dit de parler autant que nécessaire mais de passer le plus vite possible à autre chose - pas d'oublier, non, car l'oubli n'appartient pas du domaine du réalisable, et d'ailleurs il disait que l'oubli n'était peut-être pas souhaitable (...)"
"Il serait resté en moi la présence de mes oncles, de mes frères : le même vocable, les mêmes expressions, les mêmes habitudes alimentaires, vestimentaires, les mêmes intérêts, et plus ou moins le même mode de vie.Il n'y avait que les études qui me permettaient une fuite totale."
Ce billet est publié dans L'Express, ici
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