La tête et le cou - Maureen DEMIDOFF

Editions des Syrtes
Parution : 24 août 2017
224 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Trois générations de femmes russes parlent à bâtons rompus, se confient et racontent leur pays…
En toile de fond de leurs récits de vies ordinaires, c'est l'histoire de la Russie qui défile : l'immense Union soviétique, le chaos libéral des années 1990 et la Russie de Poutine.
Plus concrètement, elles parlent de petites filles, de femmes et de grands-mères qui ont vécu dans différentes Russies. Et au-delà, ce sont des hommes dont elles parlent le plus, et le regard qu'elles posent sur eux, que ce soit un mari, un père, est révélateur et sans appel. Pour citer l'une d'elles : «L'homme est la tête, et la femme est le cou, la tête ne bouge que grâce au cou qui la commande.»
Voici des portraits intimes qui révèlent des héroïnes aux vies bigarrées mais qui se ressemblent : des femmes fortes, battantes, féminines et maternelles, qui s'opposent tristement à un modèle masculin souvent trop dégradé à leurs yeux... Le mot «Amour» n'apparaissant nulle part... Leur donner la parole a semblé important à l'auteur, à cause de la place prégnante de la femme en Russie, pilier autant de la famille que de la société, et surtout parce qu'elles n'ont jamais été entendues.

Maureen Demidoff a vécu à l'étranger plus de dix ans dont huit ans à Moscou où elle y a rencontré des femmes de tous milieux et horizons. Avec ce livre, elle a voulu comprendre comment trois générations d'individus peuvent aujourd'hui vivre ensemble en ayant vécu dans «trois Russies différentes», avec des idéologies et des valeurs opposées, sans se douter que le thème du vivre ensemble serait élargi à la relation complexe entre les hommes et les femmes de Russie.

Installée en Russie depuis 2007, Maureen Demidoff est responsable éditoriale d'un site d'informations sur la Russie, correspondante pour un quotidien économique et auteur.

(propagande de l'ère soviétique : 8 mars, journée de la femme)


Ce que j'en ai pensé :

Quinze portraits de femmes russes, confrontées aux changements de leur pays, souvent nostalgiques de l'ère communiste pour les plus âgées, mais surtout en plein désarroi féminin dans un cercle vicieux que certaines analysent parfois finement. Elles se positionnent comme des piliers de cette société où elles sont majoritaires, fortes, volontaires, souvent "survivantes" dans un monde où il faut faire preuve de débrouillardise.

La femme russe rêve, toutes générations confondues, d'un homme "fort", d'un "vrai mec" qui les protège (en ce sens, certaines idéalisent Poutine qui a su redresser le pays, le remettre sous contrôle dès les années 2000) et pourtant, elles ont pris la place des hommes, assurant la subsistance, l'éducation de leurs enfants. Au travers de ces interviews, ces femmes racontent une société matriarcale avec ses défauts et ses lacunes, elles dévoilent leurs vies dans un système souvent monoparental (les hommes sont "morts" (la guerre, l'alcool et plus simplement l'absence, la démission du cadre familial).

Qu'importe l'amour ou le bonheur conjugal, seul le pragmatisme d'une vie épanouie semble importer, l'homme n'est là que pour fournir le confort et la sécurité et s'il défaille, c'est le divorce ! Tant d'ambivalences entre féminisme et traditionalisme désarçonne : s'agit-il des rémanences de la culture slave ? Ce document interroge sur leur place et leurs espoirs, savent-elles vraiment ce qu'elles veulent ?

Leurs discours mêlent leurs opinions sur les hommes, sur le régime, sur les valeurs familiales, sur le patriotisme, sur la religion aussi. 

Un document particulièrement intéressant sur une société mal connue qui offre un regard fascinant sur les ambiguïtés des femmes russes qu'analyse fort justement Mikhaïl (normal, il est psy !), le dernier témoignage et le seul masculin : "L'homme est celui qui a le phallus, la femme celle qui est le phallus" (Lacan).

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