Tenir jusqu'à l'aube - Carole FIVES


Editions Gallimard - Collection L'arbalète
Parution : 16 aôut 2018
192 pages

Finaliste du Prix Landerneau des Lecteurs 2018


Ce qu'en dit l'éditeur :

«Et l'enfant ?

Il dort, il dort.

Que peut-il faire d'autre ?»

Une jeune mère célibataire s'occupe de son fils de deux ans. Du matin au soir, sans crèche, sans famille à proximité, sans budget pour une baby-sitter, ils vivent une relation fusionnelle. Pour échapper à l'étouffement, la mère s'autorise à fuguer certaines nuits. À quelques mètres de l'appartement d'abord, puis toujours un peu plus loin, toujours un peu plus tard, à la poursuite d'un semblant de légèreté.
Comme la chèvre de Monsieur Seguin, elle tire sur la corde, mais pour combien de temps encore?
On retrouve, dans ce nouveau livre, l'écriture vive et le regard aiguisé de Carole Fives, fine portraitiste de la famille contemporaine. 


Ce que j'en ai pensé : 

Voila un roman vers lequel je ne serai pas allée spontanément ! Dans le quatuor final du Prix Landerneau des Lecteurs 2018, il tombe pile au moment où se profile une petite panne de lecture, et son format léger me plait bien.

Sauf que ça n'est, au final, pas si léger que ça !

C'est d'abord une critique nuancée et intelligente d'une société nombriliste où chacun vit pour soi, où chacun JUGE...

Mauvaise mère que celle qui voudrait seulement respirer un peu,  ne plus subir H24 son vampire-enfant, qui voudrait retrouver une vie normale sans les contraintes de l'otite de bébé-chéri qui empêche toute vie sociale ou professionnelle, qui galère financièrement et s'endette pour satisfaire son enfant, qui subit le regard désapprobateur des autres, les voisins de palier ou l'hôtesse de caisse...
Mère indigne sur laquelle repose toutes les problématiques de l'éducation de l'enfant quand le père se fait la malle ! 
Vous savez ? Ce vieux schéma familial avec "bobonne" à la maison ? Quand le père défaillant n'est jamais fautif de quoi que ce soit, et que c'est déjà un exploit qu'il s'intéresse à la vie de ses rejetons ? Et que c'est celle qui porte tout sur ses épaules, qui n'a pas le droit de flancher, que la société "bien-pensante" se permet de juger !

C'est un roman sur  le poids de la culpabilité : est-ce que je suis une bonne mère telle qu'elle est dessinée dans l'esprit de chacun ? Est-ce que j'ai le droit d'être juste une femme agacée par un mioche pénible quand tant d'autres n'arrivent pas à enfanter ? Est-ce que j'ai le droit de faire une pause, de respirer 5 minutes non synchronisées sur celles de mon enfant ?

S'il y a beaucoup de douceur dans l'écriture de l'auteur, il y a surtout une sorte de fatalisme teinté d'aquoibonisme.. C'est un roman empreint de tendresse, envers cette mère qui se laisse déborder, envers cet enfant en détresse sentimentale...

C'est un livre qui ouvre le débat ! 
D'aucuns trouveront la mère égoïste de vouloir s'échapper "jusqu'à l'aube" pour redonner un souffle à sa vie de femme, certains trouveront aussi qu'on ne fait pas un bébé sans en assumer les conséquences, et d'autres encore pourront considérer que l'égoïsme en ce cas est salutaire et éviterait certains drames infanticides...

J'ai aimé le parallèle établi avec "La chèvre de M. Seguin", et Blanquette qui voudrait plus de lest à sa corde même si c'est au prix d'une mauvaise rencontre avec le Grand Méchant Loup !

Enfin,  quand je lis les commentaires sur Babelio, je me dis que certaines réactions ressemblent à celles que cette mère lit sur son forum, ça manque de solidarité, d'empathie et  certaines femmes sont affreusement cruelles pour leurs congénères dans une situation complexe...
Il y a des progrès à faire !
C'est si facile de juger les autres au nom des "bonnes mœurs", ça laisse songeur ! Qui sommes-nous pour juger, qui êtes-vous pour juger ?

Un beau roman, actuel, qui met l'accent sur le beau combat d'une femme !

(lu dans le cadre du Prix Landerneau des Lecteurs 2018) 

 

6 commentaires:

  1. Très jolie chronique, tu parles bien de ce livre que j'ai adoré. Je l'ai trouvé très fort et très juste. Il est nécessaire ...

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  2. j'ai beaucoup aimé ce livre...je l'ai trouvé pertinent, et j'ai apprécié l'absence de jugement : on comprend très bien cette mère que la mono-parentalité précipite dans une spirale d'enfermement et de précarité...

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    1. C'est aussi ce que j'ai apprécié, ce regard sans jugement !

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  3. Voilà un sujet fort pertinent. Je vais mettre la main dessus une fois paru en poche.

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    1. qui pourrait te parler autant qu'à moi...dommage que tu sois si loin !

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