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La danse du chagrin - Bernie BONVOISIN

Editions Don Quichotte
Parution : 31 mai 2018
240 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

" Je suis venu au Liban, voir ce qu'il en était de ces hordes de crevards qui prenaient d'assaut nos frontières, pour nous voler nos emplois et cramer nos allocs. J'ai décollé mon cul de mon divan, éteint ma télé après 59 mois passés à regarder le peuple syrien se faire écraser dans un silence vertigineux. J'ai vu la lumière au milieu de cette misère... "

Un jour d'été 2015, Bernie Bonvoisin décide de se rendre au Liban et d'aller à la rencontre des jeunes Syriennes et Syriens réfugiés au pays du Cèdre. Dans les camps et les squats de fortunes où les exilés forcés survivent dans un dénuement extrême, le long de la frontière, il veut recueillir les mots d'une enfance volée par la guerre et le terrorisme, dont l'innocence anéantit tous les discours politiques. Là, il rencontre une génération sacrifiée à la maturité spectaculaire, le futur de la Syrie.

   
Ce que j'en ai pensé :

Il en a de la colère, le chanteur de Trust ! Les images de ces gamins syriens exilés, ça le mine, ça l'empêche de dormir. Alors, il va aller voir au Liban, bouger de son canapé, rendre compte de la folie du monde et de la guerre. 

Il écrit bien, Bernie, il trouve les mots justes pour raconter l'horreur, l'insalubrité, le manque de pain mais aussi l'espoir, l'enfance. Il y a du verlan, de l'argot, il faut parfois s'arrêter sur un mot, resituer le contexte. Mais ça coule, c'est de l'indignation sincère, de celle qui prend aux tripes, qui montre qu'on est encore un être humain, qu'on ne comprend pas tout ce qui agite les politiques, qu'on n'aime pas les magouilles des ONG dont les cadres sont surpayés, à ne rien foutre, et bien loin des zones de misère...

Pourtant.

Avec le recul, c'est bien de s'offusquer, c'est honorable de défendre des gamins victimes collatérales des guerres idiotes qui secouent le Proche-Orient et redistribuent sans cesse les cartes d'un monde qui fout le camp.

Finalement, est-ce qu'il ne s'agit pas de se donner bonne conscience ? De rester dans son canapé, à râler que rien ne tourne rond et que c'est la faute à Machin ? De s'en prendre à BHL mais de faire comme lui, profiter des médias ?
On en parle de l'accueil des migrants en France ? des "bien-pensants" et des "yakafokon" qui n'ouvrent leurs portes que quand les caméras sont pointées sur eux ? 
Parce que Bernie, il est rentré chez lui, et depuis, les syriens sont toujours dans la merde et attendent que les gens leur portent secours, vraiment.
Pas question de lui jeter la pierre, on fait ce qu'on peut, et puis ce bouquin permet au moins d'ouvrir les yeux... 

Les échoués - Pascal MANOUKIAN


éd Don Quichotte - 20 août 2015 - 304 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :
« Le chien était revenu. De son trou, Virgil sentait son haleine humide. Une odeur de lait tourné, de poulet, d’épluchures de légumes et de restes de jambon. Un repas de poubelle comme il en disputait chaque jour à d’autres chiens depuis son arrivée en France. Ici, tout s’était inversé, il construisait des maisons et habitait dehors. Se cassait le dos pour nourrir ses enfants sans pouvoir les serrer contre lui et se privait de médicaments pour offrir des parfums à une femme dont il avait oublié jusqu’à l’odeur… »
1992. Lampedusa est encore une petite île tranquille et aucun mur de barbelés ne court le long des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Virgil, le Moldave, Chanchal, le Bangladais, et Assan, le Somalien, sont des pionniers. Bientôt, des millions de désespérés prendront d’assaut les routes qu’ils sont en train d’ouvrir.
Arrivés en France, vivants mais endettés et sans papiers, les trois clandestins vont tout partager, les marchands de sommeil et les négriers, les drames et les petits bonheurs.

Pascal Manoukian est journaliste grand reporter, il a couvert 
la plupart des grands conflits qui ont secoué la planète entre 1975 et 1995.
Il est directeur éditorial de l'agence de presse Capa et auteur.

Ce que j'en ai pensé :
Avec l'actualité (souvent brûlante) en miroir, j'avais envie de découvrir ce roman qui évoque les destins entremêlés de quatre migrants (trois hommes et la fille de l'un d'eux) arrivés chacun d'une longue route de l'exil, chacun poussé par des motivations différentes (les chapitres consacrés à chaque personnage donnent une vision marquante des persécutions dont ils sont l'objet) et espérant trouver en Europe un avenir moins sombre.
Le livre, dont l'action se situe en 1992, offre d'intéressantes réflexions sur les conditions de voyage, sur la vie misérable et cette espèce d'esclavage qui les attend, mettant en perspective la fragilité de l'être humain, sa solitude, et parfois aussi, son extrême violence. Il met en exergue un système qui profite aux passeurs, aux employeurs, à d'anciens réfugiés, les rendant plus riches, plus vicieux. Une réalité bien sombre qui donne souvent à ce roman des allures de reportage. Un roman à lire pour savoir.
Si j'ai globalement aimé ce livre, sa narration, si j'ai été touchée par les histoires de ces migrants, par leur amitié et leur solidarité, je n'ai pas aimé certains passages qui tiennent plus du mélo : l'épisode final du chevreuil et des mulots m'a paru superflu. Dommage de finir sur cette anecdote un peu mièvre : le roman aurait gagné en intensité en restant sur quelque chose de moins "irréel". En ce sens, j'ai préféré Eldorado de Laurent Gaudé ou La mer, le matin de Margaret Mazzantini qui, quoique romancés eux-aussi, évoquent la vie des réfugiés dans un registre plus cru.
Je n'ai pas vu l'intérêt de situer le récit en 1992, au moment où le flux n'est encore qu'anecdotique alors que le cadrer en 2015 lui aurait sans doute donné plus de portée. Cela met malgré tout en perspective le peu d'espoir d'une évolution de la situation de ces réfugiés.