Article 353 du Code Pénal - Tanguy VIEL

Editions de Minuit
Parution : 3 janvier 2017
176 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu'il soit construit.


Tanguy Viel est né en 1973 à Brest. Il publie son premier roman Le Black Note en 1998 aux Editions de Minuit qui feront paraître Cinéma (1999), L’Absolue perfection du crime (2001), Insoupçonnable (2006), Paris-Brest (2009), La Disparition de Jim Sullivan (2013) et en janvier 2017 Article 353 du code pénal.
Pensionnaire de la Villa Médicis en 2003-2004, il a obtenu le prix Fénéon et le prix de la Vocation pour L’Absolue perfection du crime.


 

Article 353 du Code de Procédure Pénale, modifié par la Loi n°2011-939 du 10 août 2011 - art.12 :

"Sous réserve de l'exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? ". "

Ce que j'en ai pensé :

 Il n'a pas de veine, Martial Kermeur ! Un licenciement, un billet gagnant de loto non validé, un divorce et un gamin à élever seul. Et quand en plus, ledit gamin, six ans plus tard, se retrouve en prison et qu'il comprend que Lazenec l'a escroqué, manipulé, il le balance à la mer. Face au juge d'instruction, Martial va raconter comment il en est arrivé là, à tuer un homme. 

C'est dans une logorrhée dense que l'homme refait l'histoire de sa vie ratée et de ses erreurs de jugement. On a l'impression que Kermeur laisse enfin s'évacuer le trop de ses émotions, de tous ses non-dits, de sa frustration et de sa honte, dans le huis-clos d'un bureau de tribunal. En face de lui, le juge d'instruction n'est finalement qu'un homme comme un autre.

Une narration très réussie dont le flot emporte le lecteur, elle déstabilise d'abord par ses mots en cascade, comme une soupape ouverte, puis elle enveloppe et affirme la proximité entre le lecteur (qui pourrait alors être juré de ce procès prévisible) et Martial Kermeur, pauvre bougre, anti-héros et héros à la fois (parce que lui seul a eu le courage de mettre un terme à l'humiliation collective, aux abus d'un promoteur véreux), père fragile, laissé-pour-compte de la société. Un pauvre type, mais surtout un brave type dont on ressent toute la simplicité, toute l'humanité et auquel on s'attache de page en page.

Parce qu'en plus, au-delà de la grande vague de mots que déversent le presqu'accusé, c'est aussi un beau regard sur la Bretagne (la mer, les nuages noirs et les vents contraires) qui nous est offert. Dans les mots simples comme déroulés d'une longue bobine de fil, il y a surtout des fragments de poésie pure !

Une belle maîtrise de la langue, une tension dans l'intrigue et Martial Kermeur comme un justicier dans un roman franchement réussi !  
Coup de cœur, évidemment !
 

4 commentaires:

  1. Très beau billet pour un beau texte. Je partage ton avis sur la sensibilité du récit, sur le beau personnage qu'est Kermeur, sur la peinture que nous offre l'auteur de la Bretagne. Pas contre, le dénouement m'a laissée dubitative. Je n'ai pas été entièrement conquise. Mais je vois que les avis sont unanimes.

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  2. Je note l'avis d'Itzamma, qui me rappelle un autre lu récemment. Je réagis car il vient dans une librairie que j'aime la semaine prochaine. j'ai failli acheter l'un de ses romans mais je n'aurais pas le temps, et ayant longtemps côtoyé le monde judiciaire, je serais peut-être agacée, ou pas ?
    mais si un jour, dans fort longtemps, je le croise en librairie, je sauterais le pas, c'est sûr !

    ps : je sors d'un roman où un type raconte aussi ses déboires, je n'ai pas ta patience !

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  3. Pour le final qui a laissé Itzamna dubitative, c'est justement ce que fait le juge de cet article 353 du Code Pénal ;o) et selon les convictions intimes de chaque lecteur, ça peut être déroutant...

    Electra, rassure-toi, ça ne parle pas du système judiciaire : c'est seulement un huis-clos entre un suspect et un juge, un presque monologue qui reprend les circonstances d'un drame ;o)

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  4. J'ai aimé le final, la plume et le personnage mais il m'est arrivé de ressentir un peu d'ennui.

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