Affichage des articles dont le libellé est CHALANDON Sorj. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est CHALANDON Sorj. Afficher tous les articles

Le jour d'avant - Sorj CHALANDON

Editions Grasset
Parution : 16 août 2017
336 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

«  Venge-nous de la mine  », avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J’allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J’allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n’avaient jamais payé pour leurs crimes.

cérémonie en l'honneur des morts de la fosse 3-3 bis dite Saint-Amé le 27/12/1974

Ce que j'en ai pensé :


Sorj Chalandon, chaque fois que je lis, je m'interroge ! Comment cet écrivain fait-il pour me retourner le coeur ? Cette fois, j'y allais un peu à reculons, pas trop envie de me frotter à cette histoire de mineurs sans pouvoir me l'expliquer. Et puis...

Je me suis laissée entraîner par cette histoire où un gamin, par amour pour son frère, décide de le venger en tuant le contremaître qui n'a pas assuré la sécurité des hommes qu'il envoyait au fond du puits de mine. 

42 morts +1.

Sauf que...

Sorj Chalandon offre un rebondissement étonnant à ce récit, plonge le lecteur dans le doute et la perplexité, rebat les cartes de son poker-menteur ! Et en profite pour interroger sur la responsabilité, sur le remords, la justice, la vérité et nos petits arrangements de conscience, offrant un personnage extraordinairement complexe.

Une parfaite réussite, une lecture en apnée (et j'avoue, quelques larmes...)

"Tu sais quoi ? disait mon père. Tu n'iras pas au charbon,tu iras au chagrin."

Profession du père - Sorj CHALANDON

Editions Le Livre de Poche
Parution : 31 août 2016
288 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Mon père disait qu'il avait été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle jusqu'en 1958. Un jour, il m'a dit que le Général l'avait trahi. Son meilleur ami était devenu son pire ennemi. Alors mon père m'a annoncé qu'il allait tuer de Gaulle. Et il m'a demandé de l'aider.
Je n'avais pas le choix.
C'était un ordre.
J'étais fier.
Mais j'avais peur aussi…
À 13 ans, c'est drôlement lourd un pistolet.

Ce que j'en ai pensé : 

Profession du père ? Ni chanteur ni espion, mais mythomane et paranoïaque, à tendance violente ! 
Un fou furieux qui fait régner la terreur entre les murs de son appartement à coups de ceinture et de punitions. Un sérieux dingue qui s'invente mille vies, imagine assassiner de Gaulle, écrit des lettres de menaces aux ministres, surveille ses voisins et ne reçoit jamais personne chez lui.

 "Mon père, ma mère et moi. Juste nous trois. Une secte minuscule avec son chef et ses disciples, ses codes, ses règlements, ses lois brutales, ses punitions. Un royaume de trois pièces aux volets clos, poussiéreux, aigre et fermé. Un enfer."

Difficile pour un enfant de grandir dans un tel foyer surtout quand la mère s'efface, accepte le joug et ne protège pas.
"Tu connais ton père" proféré comme une excuse, presque une absolution pour les souffrances qui sont infligées, en continuant d'éplucher les légumes pour la soupe...

Drôle de roman qui raconte les années 1950 du point de vue d'un enfant, mélangeant admiration et amertume, tentatives désespérées de plaire à son bourreau (en reproduisant notamment ses élucubrations complotistes auprès d'un camarade de classe), de protéger sa mère qui s'enferme dans une complaisance aveugle alors que son mari perd de plus en plus la raison (la scène chez le psy pour enfant est hallucinante !).

"J'ai raconté l'angoisse d'un enfant. J'ai raconté l'armoire, la maison de correction. J'ai raconté le pistolet, le béret, Biglioni. J'ai raconté ma mère en épouvante et son fils en effroi."

C'est un livre fort, dérangeant (j'ai ressenti tantôt de la pitié pour ce gosse, tantôt de la colère envers ses parents) qu'il faut lire, absolument ! L'auteur a attendu le décès de son père pour écrire ce roman dont on devine la part autobiographique. Une part d'intime, très touchante, sans ressentiment et sans haine, malgré les souvenirs douloureux.

Le quatrième mur - Sorj CHALANDON

Editions Grasset
Parution : 21 août 2013
336 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

« L'idée de Sam était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne... »

Né en 1952 en Tunisie, Sorj Chalandon est un journaliste et écrivain français. Après avoir été grand reporter puis rédacteur en chef adjoint au quotidien Libération de 1974 à février 2007, il est devenu un auteur reconnu grâce notamment à Une promesse en 2006 (Prix Médicis), Mon traître en 2008 et, en 2011, Retour à Killybegs couronné par le Grand Prix du roman de l'Académie Française. Le prix Goncourt des lycéens lui est attribué en 2013 pour Le quatrième mur.

Ce que j'en ai pensé :

"C'était vertigineux. J'avais une nouvelle terre et j'avais une nouvelle famille. Jour après jour, des hommes m’offraient un fragment du pays. "

Il n'est pas au bout de ses surprises, Georges, l'ancien étudiant révolutionnaire, quand il accepte par amour pour son ami mourant, Sam le juif grec, de se rendre à Beyrouth pour prendre le relais d'un projet bien particulier : faire jouer Antigone par une troupe mêlant druzes, chiites, sunnites, chrétiens maronites... Tous ensemble pour offrir un répit à la guerre qui secoue le Liban.
 
Il faut convaincre, parfois juste par un silence, parfois à la faveur d'un "incident" presque diplomatique, afin que chacun, dans ses convictions politiques ou religieuses, trouve sa place.
Avec les balles qui sifflent aux oreilles et les susceptibilités à ménager. 
 
"C'est le Liban qui tire sur le Liban."

Il faut composer avec la peur de mourir, avec le désarroi, avec l'incompréhension (les uns contre les autres), avec la barrière de la langue et de la foi. 
Et Sam qui meurt doucement sur son lit d'hôpital.

"Des avions se jetaient sur la ville. Ils bombardaient la capitale du Liban. C'était incroyable, dégueulasse et immense. J'étais en guerre. Cette fois, vraiment. J'avais fermé les yeux. Je tremblais. Ni la peur, ni la surprise, ni la rage, ni la haine de rien. Juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l'acier en tous sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles, les hurlements de la rue, les explosions, encore,encore, encore."

L'immeuble Barakat, "la maison jaune", à Beyrouth

Comment trouver les mots justes pour dire à quel point ce roman est fort ? Du genre qui prend aux tripes et qui ne s'oublie pas ! Du genre qui montre comment les guerres bouleversent les hommes (et pour Georges, c'est radical !), obligent à prendre parti, obligent à plonger au cœur de la tourmente...

Il est difficile pour moi d'émettre une "critique"..Que pourrais-je critiquer ? La folie du monde et la déraison des combattants, la folie d'artistes prêts à presque tout pour monter Antigone au milieu de l'horreur, comme un parallèle absurde entre la tragédie de théâtre et celle du monde ? Dire que tout paraît dérisoire autour ?

J'avais ce roman depuis sa parution dans ma PAL, il faisait partie de ceux que je voulais absolument lire quand j'en avais découvert un extrait. Et je l'ai laissé tomber, oublié sur une étagère de ma bibliothèque. Il lui fallait sans doute "le bon moment", celui qui permet la rencontre qui marque au cœur.


"Et voilà. Sans la petite Antigone, c’est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles. Mais maintenant, c’est fini. Ils sont tout de même tranquilles. Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire même ceux qui ne croyaient rien et qui se sont trouvés pris dans l’histoire sans y rien comprendre. Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer tout doucement à les oublier et à confondre leurs noms. C’est fini."
Jean Anouilh, Antigone (1942) 

en version poche