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La petite danseuse de quatorze ans - Camille LAURENS

Editions Stock - Collection La bleue
Parution : 30 août 2017
176 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

« Elle est célèbre dans le monde entier mais combien  connaissent son nom ? On peut admirer sa silhouette  à Washington, Paris, Londres, New York, Dresde ou Copenhague, mais où est sa tombe ? On ne sait que son  âge, quatorze ans, et le travail qu’elle faisait, car c’était déjà  un travail, à cet âge où nos enfants vont à l’école. Dans les  années 1880, elle dansait comme petit rat à l’Opéra de Paris, et ce qui fait souvent rêver nos petites filles n’était pas un  rêve pour elle, pas l’âge heureux de notre jeunesse. Elle a  été renvoyée après quelques années de labeur, le directeur  en a eu assez de ses absences à répétition. C’est qu’elle avait  un autre métier, et même deux, parce que les quelques sous  gagnés à l’Opéra ne suffisaient pas à la nourrir, elle ni sa  famille. Elle était modèle, elle posait pour des peintres ou  des sculpteurs. Parmi eux il y avait Edgar Degas. »


Ce que j'en ai pensé :

 "Avoir trois filles est à la fois un désastre et une aubaine quand on n'a pas d'argent. On peut toujours les vendre."

Être immigré belge à Paris à la fin du XIXème siècle, c'est crever la faim, loger dans des bouges insalubres, déménager à la cloche de bois tous les 6 mois, faire travailler les petits garçons, prostituer ses filles ou les inscrire à l'Opéra pour qu'elles deviennent des petits rats (ce qui revient au même !). La meilleure chance : trouver dans les coulisses un protecteur, soit amateur de très jeunes filles prépubères, soit artiste, comme l'était Degas qui aimait à peindre les ballerines...

Camille Laurens livre dans cette monographie tout ce qu'elle a pu extraire de l'existence de Marie Van Goethem, tout juste 14 ans : les faits biographiques (quoique incertains) et ce que la sculpture de la danseuse lui évoque, tissant un récit inspiré, parfois à la frontière du roman.

Marie qui, via son portrait en cire, fit scandale au Salon des impressionnistes en 1881 : critiques horrifiées sur cette face simiesque (on est dans une période où l'anthropo-morphologie associe certains traits du visage au crime et au vice ; d'ailleurs une "danseuse" n'est-elle pas à l'époque une prostituée avant tout ?, sur ce qu'elle peut représenter, et Marie qui s'évapore (a-t-elle survécu au XIXème siècle ?) comme un modèle anodin...


 J'ai aimé la manière dont l'auteur tisse son histoire autour de cette jeune fille au destin mystérieux, comment elle raconte les réactions d'un public hypocrite et bien-pensant, comment l'oeuvre trouve une résonance dans ce Paris fin de siècle qui s'émancipe mais sclérose aussi les classes populaires, et puis, tout ce que Camille Laurens a rattaché de sa propre histoire à ce document 

Une très belle lecture, instructive et fascinante !

Merci à Valentine et aux Editions Stock ;o) 

Celle que vous croyez - Camille LAURENS

éd Gallimard - parution janvier 2016 - 192 pages

Ce qu'en dit l'éditeur : Vous vous appelez Claire, vous avez quarante-huit ans, vous êtes professeur, divorcée. Pour surveiller Jo, votre amant volage, vous créez un faux profil Facebook : vous devenez une jeune femme brune de vingt-quatre ans, célibataire, et cette photo où vous êtes si belle n’est pas la vôtre, hélas. C’est pourtant de ce double fictif que Christophe – pseudo KissChris – va tomber amoureux.
En un vertigineux jeu de miroirs entre réel et virtuel, Camille Laurens raconte les dangereuses liaisons d’une femme qui ne veut pas renoncer au désir. 


Camille Laurens, de son vrai nom Laurence Ruel, est un écrivain français, née en 1957 à Dijon. Elle fait partie du jury du Prix Femina et a écrit plus d'une quinzaine de romans.

Ce que j'en ai pensé :

Choderlos de Laclos à l'ère numérique

Après un prologue étourdissant, sans aucune ponctuation, comme un flux irraisonné, Claire Millecam raconte à Marc, médecin psy, comment elle a décidé d'espionner Jo, son ex-petit ami via un faux profil Facebook en contactant l'un de ses amis, KissChris. Fausse photo, usurpation d'identité, goûts communs, pas de contact IRL, le piège est prêt...
Ce que cette entrée en matière ne laisse pas présager, ce sont les jeux de miroirs, les identités en reflet, les histoires de femmes malmenées qui se superposent et qui conduisent le lecteur à s'interroger sur ce qui est vrai ou faux dans ce roman qui semble se jouer de l'autofiction mais en profite pour brouiller allégrement les pistes dans une narration impeccablement maîtrisée.

Femme-fantasme ou femme fantôme ?

Au-delà de l’ambiguïté de sa « mise en scène », Camille Laurens évoque avec justesse la condition féminine, quand à 50 ans, passant de femme-fantasme à femme-fantôme (« les hommes mûrissent, les femmes vieillissent »), il s'agit pour elles de continuer à exister dans le regard de l'homme, à susciter le désir. Par le truchement du virtuel, de l'écran protecteur qui permet au personnage de rajeunir, l'auteur dévoile les failles féminines, la course au sexy, la maîtrise de l'image.
Celle que vous croyez est aussi une réflexion sur l'écriture sous toutes ses formes (lettre, cadavre exquis lors d'atelier créatif, confession écrite, rapport médical), sur le roman et sur la manipulation de la vérité par l'écrivain.
Déroutant, un rien pervers, à la frontière du vrai et du faux, ce roman est tout simplement fascinant !
Mon billet est publié dans L'Express,  ici