Affichage des articles dont le libellé est coup de coeur. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est coup de coeur. Afficher tous les articles

Et toujours les Forêts - Sandrine COLLETTE

Editions JC Lattès
Parution : 2 janvier 2020
368 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser. Traîné de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu’au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.

À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps ; les arbres perdent leurs feuilles au mois de juin. Quelque chose se prépare. La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Humains ou bêtes : il ne reste rien. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement.

Sélection pour le Grand Prix RTL-Lire 2020.


Ce que j'en ai pensé :

On a déjà déjà rêvé meilleur départ dans la vie.


Corentin est né de l'adultère de Marie. Il n'aurait d'ailleurs pas dû naître tant sa mère a jeté son ventre rond contre les murs, tant sa mère considère ce bout d'homme comme la pire chose qui lui soit arrivé, tant elle s'acharne à l'abandonner, deci-delà, chez des "amies", des nourrices, chez sa grand-mère, Augustine.


Et pourtant, Corentin, avec ses yeux écarquillés sur le monde, grandit, s'accroche, s'enracine et trace son chemin.


Jusqu'à l'Apocalypse ; ce qu'on devine d'un accident peut-être nucléaire. Il ne reste rien, ni hommes, ni animaux, ni végétation.
Ou un peu, de quoi se donner un peu d'espoir, une respiration.


Au bout du néant, il y a la maison d'Augustine, peut-être aussi la mémoire de l'enfance, qui donnent un peu de force à Corentin pour retourner dans les forêts.


Il y a des lendemains, des peurs, des chansons, un brin d'herbe sorti de la cendre qui a tout recouvert, la mort jamais loin.

Et cette terrible scansion narrative, des phrases qui déboulent, s'arrêtent abruptement, assaillent, remuent, emportent même quand on essaie de faire durer les mots. La même nuée que celle de l'Apocalypse, balayant tout, faisant mugir son souffle dévastateur.

C'est Sandrine Collette encore meilleure que Sandrine Collette. Ce sont les larmes d'émotion en caressant la dernière page. 
Du très bon. De l'excellent ! Le bien meilleur lu depuis longtemps.


"Ainsi vont les enfants, ils s'en vont."

Propriété privée - Julia DECK

Editions de Minuit
Parution : 5 septembre 2019
176 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Il était temps de devenir propriétaires. Soucieux de notre empreinte environnementale, nous voulions une construction peu énergivore, bâtie en matériaux durables. Aux confins de la ville se tramaient des écoquartiers. Notre choix s'est porté sur une petite commune en plein essor. Nous étions sûrs de réaliser un bon investissement.

Plusieurs mois avant de déménager, nous avons mesuré nos meubles, découpé des bouts de papier pour les représenter à l'échelle. Sur la table de la cuisine, nous déroulions les plans des architectes, et nous jouions à déplacer la bibliothèque, le canapé, à la recherche des emplacements les plus astucieux. Nous étions impatients de vivre enfin chez nous.

Et peut-être aurions-nous réalisé notre rêve si, une semaine après notre installation, les Lecoq n'avaient emménagé de l'autre côté du mur.

Ce que j'en ai pensé :

Ça parait léger, presque en mode caricature et pourtant, ça grince et ça pique, et ça tourne vite fait au thriller !!

Je ne connaissais pas du tout Julia Deck mais j'aime beaucoup les Editions de Minuit (la faute à Echenoz et Ravey !!) et ce roman file direct dans la bonne case, dans ce petit bout d'étagère que j'aime tant !!

Parce que si le roman commence par le "milieu" de l'histoire (un chat roux à exterminer, et la scie sauteuse fera bien l'affaire après le raticide ! gloups !), il y a ici une galerie de personnages, une photo plein cadre des banlieues écolo-"bobo-isées" avec des couples "super sympas tendance, etc" comme on pourrait en voir dans les magazines !

Avec pourtant, tellement de défauts et de faiblesses, que loin de la caricature on pourrait tous identifier nos voisins (ou nous même !!...). Et quand le réseau collectif de distribution de chaleur saute, que le chat découpé secoue les âmes sensibles, tout éclate, tout part en vrille !

Disparait alors la trop sympathique voisine en micro-short et son labrador pendant que se coule la dalle d'une terrasse (syndrome Dupont de Ligonnès) et les apéros "trop sympas" entre voisins ne sont plus qu'un souvenir !

Excellent ! Subtil et drôle, avec ce côté flou qui entretient le doute (mais qui a tué le chat ? et la voisine ? sûrement pas qui on croit !)..

Je me suis régalée, j'ai trouvé l'intrigue brillante et du coup, j'ai commandé les autres romans de Julia Deck ! (c'est malin !)

Sale gosse - Mathieu PALAIN

Editions de L'Iconoclaste
Parution : 21 août 2019
352 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Wilfried naît du mauvais côté de la vie. Sa mère, trop jeune et trop perdue, l’abandonne. Il est placé dans une famille d’accueil aimante. À quinze ans, son monde, c’est le foot. Il grandit balle au pied dans un centre de formation. Mais une colère gronde en lui. Wilfried ne sait pas d’où il vient, ni qui il est. Un jour sa rage explose; il frappe un joueur. Exclusion définitive. Retour à la case départ. Il retrouve les tours de sa cité, et sombre dans la délinquance. C’est là qu’il rencontre Nina, éducatrice de la Protection judiciaire de la jeunesse. Pour elle, chaque jour est une course contre la montre ; il faut sortir ces ados de l’engrenage. Avec Wilfried, un lien particulier se noue.

Ce que j'en ai pensé :

J'ai aimé. J'ai adoré.
J'ai surtout d'abord été circonspecte quand j'ai lu les premiers dialogues en mode racaille de banlieue....mais la narration, le style et l'histoire de Wilfried ont eu vite raison de mes appréhensions.

Voila un premier roman touchant, sincère, qui émeut. 

L'auteur sait restituer les situations difficiles,  le travail des "agents" de la PJJ (Protection judiciaire de la Jeunesse), leur rapport compliqué à la conjugaison des problématiques familiales et sociétales, les enfances fracassées par les drames...

Wilfried est un "sale gosse", de ceux qu'on rejette, de ceux qui ne rentrent pas dans le moule d'une société modélisée, mais il est aussi de ces gamins qu'on voudrait sortir de la dèche, de la banlieue, de la spirale du pire.
Juste un gamin, un petit bout de l'humanité, à sauver du néant, de l'abandon.

Alors, simplement pour ça, pour l'espoir, pour tous les Wilfried en galère (et en colère ?!), en désamour, en abandon, ce roman (presque un témoignage) vaut la peine, parce qu'il ouvre les yeux sur les gamins de rien, sur ceux qui ne savent pas quelle est leur place dans notre drôle de monde !

Un vrai chouette premier roman, sensible et intelligent ! (et ça fonctionne sauf si vous êtes devenu insensible à la misère humaine).


Sauvage - Jamey BRADBURY

Editions Gallmeister
Parution : 7 mars 2019
Traduction : Jacques Mailhos
320 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue», «ne jamais rentrer avec les mains sales» et surtout «ne jamais faire saigner un humain». 
Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Elle s’interdit de l’avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.


Ce que j'en ai pensé :

Je ne suis pas près d'oublier Tracy ! 
Une gamine étonnante, différente, attachante par sa singularité et son amour pour ce bout d'Alaska, sa forêt et les chiens de traineau. Sauvage, vraiment !..

La nature a la part belle dans ce très réussi roman d'initiation, elle est un personnage à part entière, elle dessine une atmosphère tantôt pesante, tantôt protectrice. Elle est vie et mort tout à la fois. 
La narration particulièrement riche donne toute sa beauté à cet environnement, en fait un lieu idéalisé qui sied au caractère de Tracy et révèle son caractère.

Roman d'apprentissage donc, mais aussi roman "d'amour" : celui de Tracy pour sa famille, pour les chiens, pour Jess. Un amour un peu fou, hors normes, qui repousse les limites et qui fait grandir.

Une pépite (et c'est un premier roman !!), un de ces romans à garder précieusement !

Animal - Sandrine COLLETTE

Editions Denoël - collection Sueurs froides
Parution : 7 mars 2019
288 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Dans l’obscurité dense de la forêt népalaise, Mara découvre deux très jeunes enfants ligotés à un arbre. Elle sait qu’elle ne devrait pas s’en mêler. Pourtant, elle les délivre, et fuit avec eux vers la grande ville où ils pourront se cacher. 

Vingt ans plus tard, dans une autre forêt, au milieu des volcans du Kamtchatka, débarque un groupe de chasseurs. Parmi eux, Lior, une Française. Comment cette jeune femme peut-elle être aussi exaltée par la chasse, voilà un mystère que son mari, qui l’adore, n’a jamais résolu. Quand elle chasse, le regard de Lior tourne à l’étrange, son pas devient souple. Elle semble partie prenante de la nature, douée d’un flair affûté, dangereuse. Elle a quelque chose d’animal. 
 
Cette fois, guidés par un vieil homme à la parole rare, Lior et les autres sont lancés sur les traces d’un ours. Un ours qui les a repérés, bien sûr. Et qui va entraîner Lior bien au-delà de ses limites, la forçant à affronter enfin la vérité sur elle-même.


Ce que j'en ai pensé :

7ème roman de Sandrine Collette que j'ai bien du mal à classer dans la catégorie "polar"...Pas tout à fait aussi sombre que les précédents, mais largement aussi fascinant ! 

Difficile d'en parler sans trop dévoiler l'intrigue : on passe d'une forêt népalaise aux montagnes du Kamtchatka (extrême-orient russe) sans faire tout d'abord le lien entre ces deux décors si ce n'est une nature omniprésente, dangereuse, peuplée d'animaux sauvages.

Pourtant, de l'homme qui le chasse, ou de sa proie qui attaque ou riposte, on se finit par se demander lequel a la plus grande part d'animalité en lui.
Le chasseur qui veut faire un carton et rapporter des trophées ou l'ours (j'avoue une sympathie pour ce vrai personnage dans le roman !) et le tigre qui luttent pour leurs survies ?

Sandrine Collette utilise encore sa plume de façon admirable, nous entraînant dans un flot d'émotions, restituant à la perfection l'atmosphère oppressante d'un duel homme/ourssans merci mais aussi le décor miséreux d'un bidonville népalais, passant d'un paysage à l'autre avec des mots justes, rendant à ses personnages toute leur épaisseur.

Une prouesse !


Suiza - Bénédicte BELPOIS

Editions Gallimard
Parution : 7 février 2019
256 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :
«Elle avait de grands yeux vides de chien un peu con, mais ce qui les sauvait c’est qu’ils étaient bleu azur, les jours d’été. Des lèvres légèrement entrouvertes sous l’effort, humides et d’un rose délicat, comme une nacre. À cause de sa petite taille ou de son excessive blancheur, elle avait l’air fragile. Il y avait en elle quelque chose d’exagérément féminin, de trop doux, de trop pâle, qui me donnait une furieuse envie de l’empoigner, de la secouer, de lui coller des baffes, et finalement, de la posséder. La posséder. De la baiser, quoi. Mais de taper dessus avant.»

La tranquillité d’un village de Galice est perturbée par l’arrivée d’une jeune femme à la sensualité renversante, d’autant plus attirante qu’elle est l’innocence même. Comme tous les hommes qui la croisent, Tomás est immédiatement fou d’elle. Ce qui n’est au départ qu’un simple désir charnel va se transformer peu à peu en véritable amour. 

Ce que j'en ai pensé :

Excellente surprise que ce premier roman où l'amour et la mort se donnent la réplique dans une danse sensuelle !

Entre Tomas, déjà veuf, alcoolique et franchement crasseux, qui découvre son cancer à l'aube de sa quarantaine, et cette inconnue, rebaptisée Suiza dont l'apparente naïveté est désarmante, la chimie fonctionne (aidée quand même par un presque kidnapping et par un viol ! ) : l'ombre et la lumière se disputent cette rencontre.

Deux personnages complexes, travaillés, complémentaires, avec autour d'eux une belle galerie de portraits. 
Une narration riche, des dialogues maîtrisés, un sens du rythme non négligeables (surtout pour un premier roman !), un brin d'humour et une chute pas piquée des hannetons !

Le mangeur de livres - Stéphane MALANDRIN

Editions du Seuil
Parution : 3 janvier 2019
192 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Adar Cardoso et Faustino da Silva, deux petits garnements de Lisbonne, rois de la bêtise, spécialistes ès rapines de pâtés, tripailles et saucisses, sont attrapés par un curé qui les enferme dans la crypte de son église et se promet de les éduquer à coups de claques. 

Nous sommes en 1488, juste avant la diffusion de l’imprimerie dans la péninsule Ibérique. Adar trouve un vieux codex écrit sur le plus fin vélin et, se voyant mourir de faim, le mange en entier. 

Le livre était empoisonné : voilà l’enfant condamné à hanter les bibliothèques de la ville à la recherche d’autres précieux codex. Il n’aura de cesse de les mettre en charpie et de les dévorer, devenant ainsi le Mangeur de livres, celui dont tout le monde veut la mort.


Ce que j'en ai pensé :


Rabelais et Jérôme Bosch n'ont qu'à bien se tenir ! 

Stéphane Malandrin réussit, dans ce petit bijou de premier roman, à raconter une histoire étonnante, à la frontière du conte, et à donner du pep's à un texte gouailleur, riche en vocabulaire.

C'est truculent, drôle et terrifiant tout à la fois,  inattendu et plein d'allégresse et la langue française est à la fête dans une narration enlevée et brillante !

Il y a dans ce roman tout ce que j'aime, de la fantaisie en littérature et de quoi ouvrir son dictionnaire pour découvrir de nouveaux mots, bref, c'est une sacrée pépite que je recommande !

Pour une fois que le bandeau de l'éditeur reflète parfaitement la réalité, il ne faut absolument pas passer à côté de cette folie médiévale qui se dévore véritablement !
D'autant que la postface, riche en références (historiques, littéraires),  savoureuse et pleine d'humour, m'ont rendu l'auteur très sympathique :o)


Vigile - Hyam ZAYTOUN

Editions Le Tripode
Parution : 3 janvier 2019
128 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Un bruit étrange, comme un vrombissement, réveille une jeune femme dans la nuit. Elle pense que son compagnon la taquine. La fatigue, l’inquiétude, elle a tellement besoin de dormir... il se moque sans doute de ses ronflements. Mais le silence revenu dans la chambre l’inquiète. Lorsqu’elle allume la lampe, elle découvre que l’homme qu’elle aime est en arrêt cardiaque. 

Avec une intensité rare, Hyam Zaytoun confie son expérience d’une nuit traumatique et des quelques jours consécutifs où son compagnon, placé en coma artificiel, se retrouve dans l’antichambre de la mort.

Comment raconter l’urgence et la peur ? La douleur ? Une vie qui bascule dans le cauchemar d’une perte brutale ? Écrit cinq ans plus tard, Vigile bouleverse par la violence du drame vécu, mais aussi la déclaration d’amour qui irradie tout le texte. Récit bref et précis, ce livre restera à jamais dans la mémoire de ceux qui l'ont lu.

Ce que j'en ai pensé :

Il suffit de presque rien, d'un souffle..ou de son absence...

...pour que tout bascule.

Pour que la mort profile son ombre sur tous les beaux moments vécus, comme une menace.

Un roman d'amour, mais dans le sens le plus noble du terme, tout en finesse et en  sensibilité. 

Cet amour entier que la narratrice ressent pour son compagnon qui s'en va, dans un arrêt cardio-respiratoire, cet amour qui va la porter, l'aider à appréhender le probable vide, à supporter la douleur, à dire la peine et le deuil qui semblent se profiler, mais aussi l'amitié, le soutien, la compassion, la difficulté de dire le malheur, d'imaginer la solitude.

Un premier roman magistral dont les mots pleins de pudeur sont justes, touchent, bouleversent, renversent.
Un peu plus d'une centaine de pages qui se lisent sous tension, comme en apnée, et une narration à l'économie qui montre qu'avec peu de mots on peut faire passer beaucoup.

Une belle déclaration d'amour et d'espoir aussi, une ode à la vie.

Né d'aucune femme - Franck BOUYSSE

Editions La Manufacture de Livres
Parution : 10 janvier 2019
336 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :


" Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile.
— Et alors, qu’y-a-t-il d’extraordinaire à cela ? Demandai-je.
— Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés.
— De quoi parlez-vous ?
— Les cahiers… Ceux de Rose."

Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. 

Franck BOUYSSE, lauréat de plus de dix prix littéraires, nous offre avec Né d’aucune femme la plus vibrante de ses œuvres. Ce roman sensible et poignant confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.

Ce que j'en ai pensé :

Impossible de passer à côté du tout nouvel opus de Franck Bouysse tant chacun de ses livres m'a touchée.

Impossible de résister à l'émotion en découvrant le destin de Rose, vendue par son père à un maître de forge pour sortir le reste de la famille de la misère.

Dans ce coin perdu, il faut lutter pour conserver sa dignité et parfois s'affranchir des sentiments.
Aucun des protagonistes de cette histoire n'est ordinaire, et pourtant ils le sont tous, chacun à leur manière, à commencer par cette petite bonne de 14 ans, sans bonheurs et sans avenir.

Ça fait belle lurette que je n'avais pas autant regretté de tourner la dernière page d'un roman, tant les personnages sont attachants, vivants ! 

S'il est question de maternité, de pauvreté, de destins gâchés, il y a, au-delà de tout cela, l'envie d'arrêter le temps, de suspendre sa marche cruelle et les erreurs commises, de donner une autre chance à Rose, une autre conclusion à cette histoire qui attrape les tripes et fait verser quelques larmes !

Franck Bouysse excelle, une fois encore ! Et j'ai bien l'impression que Rose restera dans ma mémoire !..

La vraie vie - Adeline DIEUDONNÉ


Editions de l'Iconoclaste
Parution : 29 août 2018
265 pages
Prix du Roman FNAC 2018
(en lice pour les Prix Goncourt et le Renaudot 2018 )


Ce qu'en dit l'éditeur :

Un roman initiatique drôle et acide. Le manuel de survie d'une guerrière en milieu hostile. La fureur de vivre.
Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, amibe craintive, soumise à ses humeurs.
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant.


 Ce que j'en ai pensé :

En plein dans le cœur ! 

Coup de foudre absolu pour ce fascinant premier (!!!) roman d'une maîtrise incroyable, à l'histoire qui oscille entre tendresse et violence, qui déroule une rage libératrice et offre une héroïne parfaite, toute en féminité et en énergie !

Je suis bien embêtée, je ne sais quels mots utiliser pour rendre compte de cette lecture qui m'a emportée, qui a tout dévoré. 

Il y a une telle énergie dans ce roman, une narration tellement bien choisie, un rythme parfaitement maîtrisé, une tension parfaite, qu'on pourrait ne pas croire qu'il s'agit d'un premier roman et que les quelques jurys de prix littéraires d'automne ont inclus ce bijou dans leurs listes de chouchous !

J'ai connu presque tout le spectre des émotions à cette lecture, j'ai adoré cette gamine (dont on ne connaîtra pas le prénom) qui lutte pour voir renaître sur le visage de son petit frère les sourires émerveillés de l'enfance, malgré le marchand de glace qui finit avec la tronche en steak haché, malgré le "Monstre" (ce père dingue de chasse, de télé et de whisky), malgré "l'amibe aux cheveux mous" (cette mère soumise qui ne couine qu'à peine quand le père de famille la bat), malgré toute cette ambiance qui serait tellement glauque si l'auteur n'avait pas cette plume fluide, légère, pleine d'espoir qui conte la construction d'une jeune fille, sa découverte de la féminité, sa capacité (inouïe) de résilience.

C'est fort, c'est intense, c'est encore beaucoup plus tant ça transporte ! 
Amélie Nothomb, pendant La grande librairie, disait qu'il s'agissait d'une guerre ! Sans aucun doute ! 
C'est un vrai combat que mène cette ado en devenir qui lutte toute seule pour le bonheur, qui grandit trop vite (mais très bien !) dans une solitude émotionnelle au sein d'une famille bancale...

Le meilleur de la rentrée littéraire d'automne à ce jour (selon moi !). 

Chien-loup - Serge JONCOUR

Editions Flammarion
Parution : 22 août 2018
480 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

L’idée de passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecœur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n’habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c’était en arrivant.

Serge Joncour raconte l’histoire, à un siècle de distance, d’un village du Lot, et c’est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu’il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au cœur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.


Ce que j'en ai pensé :

L'homme est un loup pour l'homme. Il en faut parfois peu pour que la violence le gagne et lui fasse perdre raison, pour que la bestialité prenne le dessus. 

Et on sent, dès les premières pages, que ces terres perdues au fond du Lot, coupées du monde, vont être le décor idéal pour laisser à la sauvagerie toute latitude.

Elle va d'abord se matérialiser par l'apparition d'un chien sauvage, sans collier et sans maître, qui traîne aux abords de la maison, puis se dessiner dans le souvenir de ces fauves d'un cirque réfugiés sur la colline avec leur dresseur et enfin, éclater dans la rancoeur de Franck envers ses jeunes associés.
L'homme est tour à tour un "jeune loup" conquérant, un boucher, un chasseur, un geôlier...

Et les femmes ? Elles apparaissent comme les seules capables de lutter contre la part animale et brutale des hommes, communiant avec la nature, s'adaptant à cet environnement hostile (Lise), ou composant avec la sensualité et la mort (Joséphine), tempérant la colère et la cruauté.

La  superposition des deux époques de narration (la guerre de 14-18 / notre époque) multiplie les parallèles, développe le thème de la sauvagerie en miroir.

Serge Joncour montre ici à quel point il est dans son élément, jonglant entre situations tendues et humour, entretenant le suspens au milieu d'une nature tantôt créatrice de paix, tantôt génératrice d'angoisse. Ça bruisse, c'est dense, inquiétant, c'est, d'une certaine manière, une autre forme de sauvagerie.

J'aurais pu lire 100 pages de plus tant ce nouveau roman m'a séduite, tant dans sa narration, riche et savoureuse, que pour cette histoire que j'ai aimé ! 

Une parfait réussite !

Merci aux Editions Flammarion et à Babelio pour cette lecture en avant-première !


Le sang et le pardon - Nadeem ASLAM


Editions du Seuil - Collection Cadre vert
Parution : 4 janvier 2018
Titre original :
Traduction : Claude & Jean Demanuelli
368 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Aux abords de la ville de Zamana, lorsqu’une fusillade éclate entre des tueurs pakistanais et un espion américain, la vie de Nargis bascule. Pris dans les tirs croisés, Massud, son mari, architecte comme elle, épris de beauté et de justice, meurt avant qu’elle ait pu lui avouer son terrible secret.
Menacée par un officier des services du renseignement qui la somme d’accorder son pardon au meurtrier américain, Nargis craint que la vérité sur son passé n’éclate au grand jour. Car depuis quelque temps, du haut des minarets de la ville, un inconnu dévoile l’intimité de certains habitants. Dans un pays où les accusations de blasphème sont monnaie courante, ces dénonciations anonymes sèment la terreur parmi la population.
Nargis prend alors la fuite en compagnie de deux jeunes gens, Helen, la chrétienne, et Imran, le mystérieux Cachemirien, à la recherche d’un îlot de paix et d’amour, loin de la violence et de la folie des hommes.

Par la magie de cette prose lumineuse qui caractérise le style de Nadeem Aslam, le passé et le présent du Pakistan, marqués par la corruption, l’intolérance, mais aussi la résilience et l’espoir, se reflètent dans un même miroir.

Jeunes chrétiennes pakistanaises _ Photo Mohammad Sajjad

Ce que j'en ai pensé :

Que de douleur(s) dans ce magnifique roman ! Mais que de poésie aussi ! 

Je n'ai pu que rêver de la bibliothèque de Nargis et Massud, de leurs maquettes en papier et de leur amour sincère et tranquille. 

Pourtant, l'auteur fait défiler sous nos yeux toute la détresse des pakistanais, ceux qui, chrétiens, sont pourchassés, celles qui, femmes, n'ont droit à rien, et ceux qui, musulmans, vivent sous le joug d'une charia déclarée et subissent, comme les autres, le poids des conventions.

Au-delà d'un portrait saisissant d'un pays méconnu, coincé entre l'Inde et les pays arabes, ce sont d'abord des histoires d'amour que Nadeem Aslam déroule (celle si "idyllique" de Nargis et Massud, malgré le secret que Nargis n'aura pu révéler, celle de Lily le chrétien conducteur de rickshaw pour la fille de l'imam, celle d'Helen et de Imran dans la quiétude l'ïle), ce sont aussi des histoires d'héritage culturel, des histoires de femmes (Nargis qui, chrétienne, se fait passer pour une musulmane, ou Helen qui veut étudier, Aycha enfermée dans son veuvage ou la mère d'Imran tuée parce qu'entrée en résistance).

J'ai été séduite par l'antagonisme constant entre les images poétiques et la cruelle réalité racontée dans ce roman, entre les maisons de papier si aériennes et fantasmagoriques et le sang partout, la cruauté).

Il me restera des images fortes, notamment celles de Nargis, Helen et Imran recousant patiemment les pages d'un livre abîmées par la police, morceau après morceau, au fil d'or.

Les enfants de l'eau noire - Joe R. LANSDALE

Editions Folio Policiers
Parution : 25 août 2017
416 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Texas, années 1930. Élevée dans la misère au bord de la Sabine, qui s’écoule jusqu’aux bayous de Louisiane, May Linn, jolie fille de seize ans, rêve de devenir star de cinéma. Un songe qui s’achève brutalement lorsqu’on repêche dans le fleuve son cadavre mutilé. Ses jeunes amis Sue Ellen, Terry et Jinx, en rupture familiale, décident alors de l’incinérer et d’emporter ses cendres à Hollywood. May Linn ne sera jamais une star, mais au moins elle reposera à l’endroit de ses rêves… 

Volant un radeau mais surtout le magot d’un hold-up, la singulière équipe s’embarque dans une périlleuse descente du fleuve, le diable aux trousses. Car non seulement l’agent Sy, flic violent et corrompu, les pourchasse, mais Skunk, un monstre sorti de l’enfer, cherche à leur faire la peau. Quand vous décidez de faire vôtres les rêves d’un autre, ses pires cauchemars peuvent aussi profiter du voyage… 

Ce que j'en ai pensé :

Il ne fait pas bon être noir dans ce coin du Texas dans les années 1930, ni pauvre...la vie est rude, la justice absente et on se met la tête à l'envers comme on peut pour oublier l'horreur du quotidien. Les armes à feu sont chargées, les coups pleuvent, surtout sur les femmes et les gosses, et ça n'empêche pas de rêver.

Le marécage tout autour, , les légendes familiales, les sales histoires, les monstres qui font peur aux enfants, ça swingue sévère !

Pourtant, Sue Ellen (sic...), Terry et Jinx la petite noire, sont tout sauf abattus ! Il y a plus que de l'espoir chez eux, plus que du nerf et de la jugeote, il y a surtout une vraie joie enfantine qui ravage tout et qui leur permet de se jouer (plus ou moins habilement ou par hasard) de toutes les embûches ! 
C'est Fifi Brin d'Acier et Huckleberry Finn dans le même radeau !!

J'avais repéré ce titre en poche à sa sortie, et je me suis demandée pourquoi j'avais attendu si longtemps pour me réjouir d'un roman (pas si) noir, assorti d'un côté rocambolesque enthousiasmant, à la fois jubilatoire dans sa narration, trépidant, et reflétant le Texas des années 1930 dans ce qu'il avait de pire, mêlant fantasmes d'enfants et situations réelles bien sombres !

Gros coup de cœur !!

Janvier noir - Alan PARKS

Editions Rivages Noirs
Parution : 7 mars
Titre original : Bloody january
Traduction : Olivier Deparis
365 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

"Le regard du gamin se fixa soudain, comme s'il venait seulement de remarquer sa présence. Son bras pivota dans sa direction, le pistolet se braqua droit sur sa tête. McCoy se figea tandis que le gamin affinait sa visée. Une détonation sèche retentit. Une nuée de moineaux s'envola du toit et la foule paniqua pour de bon." 

Dans l'un des secteurs les plus passants de Glasgow, devant la gare routière, un garçon d'à peine vingt ans ouvre le feu sur l'inspecteur McCoy et sur une jeune femme, avant de retourner l'arme contre lui. La scène se déroule sous les yeux de Wattie, l'adjoint de McCoy. 

Qui est ce mystérieux garçon ? Quel est le mobile de son acte ? C'est ce que les deux policiers vont s'efforcer de découvrir, malgré l'opposition de leurs supérieurs. Une enquête en forme de déambulation dans une ville âpre, noire, parfois désespérée et pourtant palpitante d'humanité. Une ville qui vous saute à la gorge et ne vous lâche pas. 


Ce que j'en ai pensé : 

Un drôle d'inspecteur ce Mc Coy ! 

Flirtant avec la pègre écossaise, amoureux d'une pute camée, mais réglo, même si la bière l'hydrate plus que l'eau et que la bagarre ne lui fait pas peur ! Et puis, il traîne un passé lourd, des trucs qu'il n'a pas trop envie de raconter (sa mère en asile psy, son père alcoolo et lui dans un orphelinat où il s'est fait tripoter par les curés).
Ça ne l'empêche pas d'être un bon flic, de ceux qui ne laissent pas passer les dérives des richards pleins de morgue !

Et là, il est servi.

J'ai adoré ce polar ! J'ai adoré l'ambiance glauque de ce Glasgow en pleine sinistrose au début des années 1970 ! Chantiers navals en grève, attentats de l'IRA en Angleterre, rancœurs larvées, petits caïds qui veulent encadrer le commerce de la brune, clandés et partouzes de la "haute" pleine de perversion.

Et pourtant,  pas de clichés dans ce roman ! On pourrait presque en faire un polar qui se déroulerait aujourd'hui tant rien ne parait avoir changé, omerta, puissance, complicités.
La narration est bien menée, et le polar devient très rapidement addictif : je l'ai lu très vite, enthousiasmée par les personnages, leurs psychoses, leurs dérives et l'atmosphère bien restituée !

Pour tout dire, j'aimerais bien retrouver ce "poulet" un peu borderline dans d'autres enquêtes !!

Merci aux Editions Rivages et à Hind de garnir ma boîte aux lettres de polars d'aussi bonne qualité !