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Tout ce que nous allons savoir - Donal RYAN

Editions Albin Michel
Parution : 27 mars 2019
Titre original : All we shall know
Traduction : Marie Hermet
288 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

« Martin Toppy est le fils d’un homme célèbre chez les gens du voyage et le père de mon enfant à naître. Il a dix-sept ans, j’en ai trente-trois. J’étais son professeur particulier. » 

C’est sur ces mots que s’ouvre le nouveau roman de Donal Ryan. Melody Shee est enceinte de douze semaines lorsqu’elle entreprend l’écriture d’un journal. Hantée par son mariage toxique avec un homme qui l’a quittée en apprenant la vérité sur l’enfant à naître, par le souvenir d’une mère inaccessible et de l’amie d’enfance qu’elle a trahie, Melody doit faire face seule à ses démons. Jusqu'à ce qu'une jeune femme énigmatique entre dans sa vie… 

Ce que j'en ai pensé :

J'avais beaucoup aimé "Le cœur qui tourne" en 2015 puis "Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe " (coup de cœur en 2017), je me réjouissais de lire ce nouveau roman de Donal RYAN.

J'ai retrouvé avec le plus grand plaisir une écriture forte et poétique, qui ici prend de l'ampleur, dans une narration parfois effrénée. Il y a tout ce qu'on imagine de l'Irlande dans ce roman qui raconte le destin de deux femmes que presque tout pourrait opposer.

L'une, Melody, adultère, qui porte l'enfant d'un jeune homme qu'elle n'aurait pas dû rencontrer (ni séduire !) et l'autre, Mary, mise à l'écart de sa communauté de gens du voyage parce qu'elle est stérile et que cela discrédité sa famille et le mariage arrangé prévu pour elle.

Deux personnalités étonnantes auxquelles  je ne me suis que peu attachée pourtant, leur préférant le père de Melody et Pat, le mari trompé, dans toute sa détresse.
J'ai aimé cet instantané (les 28 dernières semaines de  la grossesse de Melody) de l'Irlande et de la vie des gens du voyage, et la façon dont l'auteur décrit les relations amoureuses.

Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions Albin Michel pour ce très bon roman qui confirme tout le talent de Donal Ryan. 

 

Feu follet - Patricia MELO

Editions Actes Sud - collection Actes Noirs
Parution : novembre 2017
Titre original : Fogo-Fatuo
Traduction : Vitalie Lemerre et Eliana Machado
336 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Dans un théâtre de São Paulo, le rideau va se refermer sur la première de l’adaptation du Feu follet de Drieu la Rochelle. Le public retient son souffle, bluffé par la performance de l’acteur principal, tombé au sol après s’être tiré une balle dans la tête. Une mort si magistralement mise en scène que des éclats de cervelle sont projetés sur les fauteuils capitonnés du premier rang. Homicide, accident ou suicide ? L’homme, connu pour ses frasques, combinait narcissisme pathologique et dysfonctionnement érectile, un mélange détonant lors­qu’on est une vedette populaire. Qui aurait eu intérêt à sacri­fier la “poule aux œufs d’or” ? L’épouse humiliée, ravissante idiote qui se damnerait pour remporter un reality show ? Les admiratrices éconduites ? Les paparazzis en quête de scoop ?
Il incombe à Azucena, la responsable du service scientifique de la police, de trouver les réponses, alors même qu’au sein des forces de l’ordre un groupe d’exterminateurs semble s’être donné pour mission de “nettoyer” la ville.
La jeune femme se bat sur tous les fronts, et avoir malen­contreusement surpris sa sœur cadette dans la chambre conju­gale n’est pas le moindre de ses soucis.
Patrícia Melo renoue ici, non sans humour, avec le milieu vicié de la jungle urbaine, qu’elle sait dépeindre à merveille : des institutions viles et corrompues, des âmes turpides avides de reconnaissance et de pouvoir, l’éternel “spectacle” de la mi­sère humaine.

Ce que j'en ai pensé :

Do you want to be famous ?  Você quer ser famoso ?
La solution : participer à une émission de téléréalité ou créer le buzz en se suicidant sur scène... S'agit-il vraiment d'un suicide ?

Si le début de ce polar semble un peu laborieux, voire nébuleux (les "aventures" conjugales d'Azucena qui paraissent d'abord hors sujet, finissent par conférer à l'ensemble un rien de vraisemblance et d'humanité), on finit par se prendre au jeu, à découvrir les personnalités et les secrets qui lient les personnages les uns aux autres.

Je ne suis pas plus enthousiaste : c'est un bon polar mais j'ai eu souvent la sensation de me perdre, de ne pas être sûre d'avoir tout compris et surtout, à part Azucena, de ne ressentir absolument aucune empathie pour les intervenants.

Cependant, j'ai aimé l'instantané de cette société de Sao Paulo, de notre monde contemporain qui ne vit que via les réseaux sociaux, le nombre de "like", le "buzz", au détriment de l'humain, la description d'un monde corrompu...

C'est à vous de voir !

Sème la mort - Laurent MALOT

Editions Bragelonne
Parution : 15 novembre 2017
278 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

À la suite de l’épisode douloureux de L’Abbaye Blanche, le lieutenant Gange s’est séparé de sa femme. Pour conserver la garde alternée de leur fille, il a quitté son Jura natal pour s’installer à Étampes. Mais cette ancienne ville royale du sud de l’Essonne symbolise l’échec de son couple, et il a du mal à s’y investir. Dans son nouveau commissariat, on le surnomme  «  l’autiste des montagnes  ».
Un quadruple meurtre secoue alors la ville. Arrêté avec un couteau à la main et du sang sur ses vêtements, un ado de 14 ans se mure dans le silence avant d’être interné en hôpital psychiatrique. Gange, aux affaires courantes, reste en retrait. En arrêtant un jeune qui sème le trouble dans les rues, il croise la route de sa mère, femme de pouvoir séduisante, prête à tout pour protéger son fils. Une femme d'influence que personne, à Étampes, n'ose vraiment contredire... 
Survient alors un cinquième crime sauvage. 
Dans une ville qu’il apprend à aimer peu à peu, autour d’une enquête mêlant agriculture bio, pouvoir des puissants, mais aussi l’éducation des enfants, Gange se retrouve sur les traces d’un dangereux psychopathe. Sans se douter un instant qu’il met les siens en danger…

Avec Sème la mort, Laurent Malot situe son intrigue dans le grenier céréalier de la France, en pleine Beauce, pour interroger nos aspirations et nos résistances au changement, à travers le prisme des lobbies surpuissants de l’agriculture conventionnelle. Semer la mort ou semer la vie… c’est une façon de penser le monde et de préparer l’avenir de nos enfants. Un polar résolument noir, ancré dans le réel et son époque, où l’on retrouve l’humour féroce et l’intégrité de Gange, le flic de L’Abbaye blanche


Ce que j'en ai pensé :

Nul besoin d'avoir lu L'abbaye blanche pour se plonger dans ce polar au rythme très soutenu (ceci dit, je vous le conseille parce que c'est plutôt bon !), les quelques passages qui réfèrent au précédent opus n'empêchant en rien la compréhension de celui-ci !

On retrouve donc le lieutenant Gange, fraîchement arrivé à Étampes, et tout aussi fraîchement accueilli dans son commissariat d'affectation. Il a vite compris qu'il devait se faire tout petit, et ça l'arrange bien ! 
Sauf que, (sacré caractère jurassien), quand les premiers meurtres s'annoncent, il a envie d'en découdre ! 

Soyons clairs. Ne cherchez pas de révélation dans les dernières pages sur l'identité du meurtrier, on comprend assez vite qui opère. Mais tout l'intérêt de ce polar réside dans tout ce qui fait ou entoure l'enquête : des manigances de lobbies, des protections obtenues, la situation personnelle et compliquée du lieutenant, ses rapports avec sa hiérarchie ou ses proches. Pas de "whodunit" au programme mais une plongée au cœur d'une enquête à charge.

C'est toujours très bien écrit, c'est toujours addictif (dévoré littéralement en une soirée), et le lieutenant commence à faire partie de mes "flics-chouchous", un peu torturé, bancal mais attachant. 

Y a plus qu'à attendre le prochain tome !

Les inséparables - Stuart NADLER

Editions Albin Michel - Collection Grandes Traductions
Parution : 3 mai 2017
Titre original : The inseparables
Traduction : Hélène Fournier
416 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Boston, de nos jours. Avec la mort de son mari, Henrietta Olyphant, a tout perdu. Confrontée à de sérieuses difficultés financières, elle accepte à contrecœur   que soit réédité le roman osé qu’elle a publié dans sa jeunesse  : Les Inséparables.  Jugé trash à l’époque, il est devenu culte mais a valu à son auteur, féministe engagée et universitaire accomplie, d’être rejetée par ses pairs.
Au même moment, Oona, sa fille, brillante chirurgienne de quarante ans, débarque chez elle après avoir quitté son mari. Sans savoir que Lydia, sa propre fille âgée de quinze ans, vit un cauchemar depuis que circule une photo d’elle dénudée dans son prestigieux pensionnat…
Bientôt réunies, toutes trois devront faire face à leurs désirs, à leurs contradictions et à leurs tabous. 
Notre famille détermine-t-elle notre destinée  ? Comment devient-on femme  ? Incisif, brillant et d’un humour digne de Woody Allen, un roman très contemporain dans lequel on retrouve le talent éblouissant de Stuart Nadler pour disséquer la psychologie humaine et ses complexités. 

Ce que j'en ai pensé :

J'avais beaucoup aimé Un été à Bluepoint, lu en 2014. Et puis bizarrement, je  ne me suis pas jetée sur ce roman à sa parution....

J'ai pourtant apprécié pas mal de choses dans Les inséparables, notamment l'humour décalé qui préside à certaines situations, j'ai effectivement retrouvé un peu du style de Woody Allen, une sorte de causticité malicieuse...et la narration de Stuart Nadler est toujours précise, ciselée, intelligente.

J'ai aimé les personnages, attachants chacun à sa manière et tous singulièrement en détresse : Henrietta tout juste veuve, Oona sa fille et Spencer qui divorcent, et leur fille, Lydia, harcelée dans son école. Leurs failles, leurs faiblesses, le désarroi dans lequel ils se retrouvent m'ont touchée les ont rendus humains, "réels", sans doute parce qu'ils sont fragilisés par les maux du XXIème : la solitude et la mort, l'échec du mariage ou de leur vie professionnelle, le danger d'internet et ses atteintes à la réputation.

J'ai toutefois considéré que c'était un peu trop long, malgré toute la tendresse qu'évoquent les personnages et l'empathie qu'ils dégagent, il m'a manqué un petit quelque chose pour m'enthousiasmer vraiment !

Mais c'était une lecture plaisante qui confirme le talent de l'auteur qui ait créer une ambiance et donner vie à ses personnages.

Clin d’œil du titre : les inséparables sont des perroquets qui ne s'épanouissent qu'en couple, et on ne peut s'empêcher de faire le lien avec ce qui se déroule dans les pages de ce roman.


Sous la neige, nos pas - Laurence BIBERFELD

Editions La Manufacture de Livres
Parution : 16 mars 2017
169 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

 Venues de la région parisienne, une jeune institutrice et sa petite fille passent sur la partie lozérienne du plateau de la Margeride. Elles vont entraîner avec elles, comme une volée de passereaux dépaysés, des gens, des tourments et des questions issus des villes. Sur ces hautes terres, deux mondes, en se croisant sans se toucher, brisent la boîte de Pandore et déversent au ras du ciel des nuées de maux que la neige couvrira bientôt.

Laurence Biberfeld, née en 1960 à Toulouse, ancienne marginale puis institutrice, est un écrivain français, auteur de roman policier et dessinatrice

Ce que j'en ai pensé :

Les hivers sont rudes en Margeride. La neige étouffe tout dans ce coin de Lozère et les femmes fuient. Sauf Esther qui débarque avec sa gamine surexcitée et qui apprend à se fondre dans le paysage, qui côtoie les paysans du coin : Lucien aux yeux bleus et sa génisse, Lionnel le patron du bistrot et sa fille Alice, le Gari et ses coups de folie...

Il y aussi l'amie qui rend visite à Esther, Vanessa, malade du sida, camée, et qui traîne derrière elle des délinquants, vrais dealers, faux durs qu'un coup de pelle bien placé suffit à neutraliser avant qu'ils ne pourrissent dans la tourbe.

Il y a a neige, surtout la neige, comme un rideau opaque, comme un linceul, qui recouvre tout, les hontes et les secrets...

Et la prose de Laurence Biberfeld, précise et pourtant poétique, qui enveloppe, donne de l'épaisseur au roman et à ses personnages, fouille dans les âmes...

Desert home - James ANDERSON

Editions Belfond
Parution : 2 mars 2017
Titre original : The never-open desert diner
Traduction : Jérôme Schmidt
336 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

La route 117 coupe le désert de l'Utah.
Le long de cette route, il n'y a rien. Ou si peu. De la poussière à perte de vue, un resto fermé depuis des lustres, quelques maisons témoins d'un vague projet immobilier suspendu pour l'éternité. Et là, dans cette immense solitude, des âmes perdues qui ont fui le monde : les frères Lacey, criminels prêts à tout pour sauver leur peau ; Walt, vieux solitaire dévoré par les remords, qui ne veut plus voir personne et se cloître dans son diner ; John, pécheur repenti, qui traîne chaque été une croix grande comme lui pour échapper à la tentation…

La route 117, Ben la connaît par cœur, lui qui la sillonne toute l'année au volant de son camion.

Et puis, un jour, une apparition. Une jeune femme, belle, étrange, qui joue d'un violoncelle sans cordes. Elle s'appelle Claire, elle est en fuite et Ben est irrésistiblement attiré.

Mais sur la route 117 où règne la folie des hommes, quelle place pour la douceur d'une rencontre ? Le désert n'est pas un lieu pour les rêveurs ; Ben et Claire pourraient bien l'apprendre à leurs dépens...

 Ce que j'en ai pensé :

"J'ai frappé à la porte. Le vent a emporté ce bruit-là aussi."

Ben Jones n'a pas atteint la quarantaine, il est célibataire, sans enfant, compte ses "amis" sur les doigts d'une main et passe ses journées à sillonner la route 117 comme coursier free-lance pour livrer tout ce que peuvent lui commander les autres solitaires de ce coin de l'Utah cerné par le désert. Jusqu'à ce que sa route croise celle de Claire, une violoncelliste cachée dans une maison abandonnée, et le perturbe au-delà de ce qu'il avait imaginé.

Ce beau premier roman déroule une épatante galerie de personnages (les amis de Ben), tous hauts en couleur, tous solitaires et vaguement déglingués, mais il nous plonge surtout au cœur du désert qui n'a jamais semblé si dangereux que sous la plume de James Anderson, chaque grain de poussière et chaque arroyo pouvant devenir mortel. 

Ça n'est pas un polar mais un roman noir et parfois brutal d'où jaillissent quelques moments de belle lumière. Le rythme est retenu, tout en finesse et en longues descriptions façon nature writing, mais l'attention est captivée par une narration très réussie et précise qu'agrémente quelques touches d'humour bien senti.

Il est question de vengeance et d'amitié, de coups qui pleuvent et de traquenards, de vieilles motos et de cadavres, de pots de crème glacée au caramel et de clopes imaginaires qu'on fume jusqu'au filtre. 

J'ai particulièrement aimé le personnage de Ben, son regard sur la vie (et la sienne en particulier, mélange d'espoir et de renoncement), ses observations sur les gens qui l’entourent et qui animent ce roman.

Loin de la violence des hommes - John VIGNA

Editions Albin Michel - Collection Terres d'Amérique
Parution : 8 février 2017
Titre original : Bull head
Traduction : Marguerite Capelle
256 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Avec ce premier recueil de nouvelles, le jeune auteur canadien John Vigna dresse un portrait bouleversant de la condition humaine dans un monde où la brutalité prend le pas sur la raison et où les mauvaises décisions partent toujours d’une bonne intention. Saisis dans leur rôle de mari, d’amant, de père ou de frère, ses personnages poursuivent sans relâche leur quête d’un bonheur incertain.

Doué d’une empathie sans failles pour ces héros du quotidien, John Vigna instille de la beauté et du mystère dans des existences qui pourraient sembler banales ou ordinaires, et il s’impose comme une vraie découverte littéraire.
 
John Vigna est un jeune auteur canadien dont les textes de fiction et de non-fiction ont été publiés dans de nombreuses revues prestigieuses ainsi que dans des anthologies, et lui ont déjà valu plusieurs récompenses.
Il enseigne le creative writing à l'université de Colombie-Britannique. Loin de la violence des hommes est son premier livre.


Ce que j'en ai pensé :

Je l'ai déjà dit, mais j'aime vraiment beaucoup cette collection Terres d'Amérique chez Albin Michel  C'est toujours l'occasion de découvrir de nouveaux auteurs à la plume souvent brillante et de plonger au cœur du continent nord-américain dans ce qu'il a de plus dur, de plus sauvage, qu'il s'agisse de nature ou des hommes.

Ce recueil ne fait pas exception : avec le brame des wapitis ou le bruit des tronçonneuses pour décor sonore, un pack de bières dans la glacière d'un pick-up, ces nouvelles de John Vigna évoquent l'immensité des forêts, la détresse et la solitude des hommes.

D'une pute de motel à un taximan sentimental, d'un frère en prison à une jument qui ne passera pas l'hiver, l'auteur égrène la petite misère de l'être humain, toujours à frôler le désespoir et à s'accrocher, souvent en vain, à des rêves perdus.

Si les deux premières nouvelles m'ont laissée un peu circonspecte (je ne suis pas sûre d'avoir compris leurs chutes...), je me suis ensuite laissée emporter par la narration des histoires suivantes, avec Station service ou Le sud qui m'ont convaincue du talent de l'auteur.

Nos années rouges - Anne-Sophie STEFANINI


Editions Gallimard - collection La Blanche
Parution :  9 mars 2017
192 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

À Paris, Catherine s’est battue avec ses amis communistes pour l’indépendance algérienne. En septembre 1962, elle se rend à Alger. Elle veut enseigner, aider le gouvernement de Ben Bella à bâtir un pays libre. Elle est grisée par l’inconnu, cette vie loin des siens : elle explore la ville chaque jour, sûre qu’ici tout est possible. C’est le temps des promesses : Alger devient sa ville, celle de sa jeunesse, de toutes ses initiations.
En 1965, Catherine est arrêtée par la Sécurité militaire : le coup d’État de Boumediene chasse du pouvoir Ben Bella. Catherine et ses amis sont interrogés. En prison, face à celui qui l’accuse, elle se souvient de ses élans politiques et amoureux, de ce qu’elle a choisi et de ce qu’elle n’a pas voulu voir. Qui étaient vraiment ces «pieds-rouges» dont Catherine faisait partie ? Quelle femme est-elle devenue ?

Anne-Sophie Stefanini est née en 1982. Elle vit à Paris. Elle est éditrice, passionnée depuis son plus jeune âge par l’Afrique. Vers la mer a reçu le Prix Goncourt du Premier Roman.
(Lycée Delacroix à Alger)

Ce que j'en ai pensé :

Si Catherine est communiste, elle ne fait que suivre la voie tracée par ses parents qui l'ont élevée dans une banlieue "rouge"...Sa mère, anarchiste, abandonne vite le foyer et Catherine grandit au milieu des tracts communistes, pourtant quand elle décide d'aller enseigner au Lycée français d'Alger, son père ne comprend pas son engagement.
Pour Catherine, Alger est un paradis. Si, au départ, elle est convaincue de mener une révolution aux côtés de ses amis communistes, les "pieds-rouges" (ceux, parmi les français, qui sont allés en Algérie après 1962), elle tombe vite amoureuse d'une ville, d'un mode de vie et ses propres envies révolutionnaires s'étiolent, se dilatent.

Arrêtée par la police du gouvernement, elle a du mal à expliquer comment elle a glissé d'un combat à une "adoption", comment elle est devenue plus algéroise que communiste...

Coup de cœur pour ce roman dont la narration impeccable, forte et amoureuse, m'a embarquée dans l'Alger post-coloniale, où Catherine, parfois confuse, parfois perdue, semble tout à coup une héroïne, pourtant ordinaire mais foncièrement attachée à la "ville blanche", Catherine qui admire Isabelle Eberhardt, suit ses traces, son engagement, sans s'en rendre compte, devenant autochtone, loin des luttes communistes...
J'ai adoré cette histoire et surtout la narration, entre nostalgie et sensibilit, ce phrasé lumineux, tantôt grave, tantôt léger. J'ai aimé comprendre comment Catherine, forte de convictions devenait une autre, ni tout à fait semblable, ni tout à fait différente, la manière avec laquelle elle analyse ses "lâchetés", comment elle s'éloigne de ce qu'on a pensé pour elle, à sa place.

Un roman magnifique ! 

Le bel avenir - Robin KIRMAN


Editions Albin Michel
Parution : 1er février 2017
Titre original : Bradstreet Gate
Traduction :Marina Boraso
432 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Ils étaient jeunes et promis à un bel avenir. C’était avant que l’une de leurs camarades, étudiante comme eux dans une prestigieuse université américaine, ne soit assassinée sur le campus. Cette tragédie, et le scandale médiatique qu’elle a provoqué, hante toujours Georgia, Charlie et Alice. D’autant que les soupçons  visant l’un de leurs professeurs, un homme charismatique et brillant, ne se sont jamais vérifiés.

Confrontés aux défis de l’âge adulte et cherchant une explication aux mystères qui entourent ce meurtre, ils découvrent peu à peu que leur amitié est faite de secrets et de mensonges.

Un premier roman magistral, comparé au premier grand succès de Donna Tartt, Le Maître des illusions.

Ce que j'en ai pensé :

Jeunes et pleins de promesses, Georgia, Alice et Charlie entament une scolarité à Harvard : de milieux très différents, ils espèrent tous profiter de ces quelques années de facultés pour profiter de la vie/se faire un nom/échapper à un destin familial.

Leur prof de droit, Rufus Storrow est un modèle/un amant/un ennemi...
Tout bascule lorsqu'une étudiante anglo-indienne, Julia Patel, vertueuse, sérieuse est retrouvée assassinée. 

Qui est le meurtrier ?

Storrow qui, plus sanguin qu'il ne le parait, a eu quelques paroles malvenues sur la colonisation de l'Inde ?
Georgia, en apparence si libre et si détachée ?
Charlie, issu d'ue famille modeste mais qui a de randes ambitions ?
Ou Alice, déracinée, vaguement psychotique, jalouse  de tous et qui atterrit en hôpital psy suite à des violences à l'encontre d'une autre jeune fille ?

Le rythme est lent...parfois trop ! Et si on ne se perd pas dans cette narration entre passé et présent, l'intrigue a du mal à décoller : le relationnel entre les étudiants prend souvent le pas sur la résolution du crime, chacun tournant autour, témoin plus ou moins proche, plus ou moins impliqué (parfois "manipulateur")...

Assez rapidement, le lecteur comprend que le roman ne repose pas sur la résolution de l'intrigue, mais explore les arcanes du passage de l'adolescence à l’âge adulte, ce n'est pourtant pas un roman d'initiation bien qu'il détaille les étapes de la "construction" des personnages...

Il s'agit donc bien plus d'un "thriller" (quoi que le terme ne soit pas franchement approprié puisque l'ensemble manque de tension et de punch) psychologique que d'un roman, mais l'incursion dans la vie estudiantine d'Harvard, avec son lot d'ambitions, parfois avortées, est intéressante.


Cortex - Ann SCOTT

Editions Stock - Collection La Bleue
Parution : 3 mai 2017
310 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Los Angeles, aujourd’hui.
La cérémonie des Oscars va commencer.
Plus de trois mille personnes dans la salle.
Soudain, une explosion.
Au cœur du chaos, très vite, les rumeurs courent. Julia
Roberts, Steven Spielberg, Al Pacino… Qui est mort, qui est blessé ?
Dans cet Hollywood qui pleure ses icônes, Angie, une jeune réalisatrice française, Russ, un vieux producteur californien, et Burt, un humoriste new-yorkais, se croisent pendant quelques jours.
Entre amours perdues, sidération et passion du cinéma, chacun se demande : de quoi sera fait le futur, sans tous ces visages familiers qui ont façonné nos rêves ?
Née en 1965, Ann Scott est une romancière française. Auteur de Superstars sacré « premier roman pop français crédible » qui lui a valu d'être qualifiée d'auteur culte, elle fait partie du mouvement Génération X et on la classe également parmi les écrivains du postmodernisme.
 
Ce que j'en ai pensé :

Trois personnes dont les destins vont se croiser autour d'un attentat, trois vies à la dérive : Burt, le comique, qui subit une solitude sans nom et ne se sent à sa place nulle part, qui ressent la vacuité de notre monde ; Angie, la cinéaste française, amoureuse de Jeff qu'elle retrouve par hasard à Hollywood et qu'elle accompagne à la cérémonie des Oscars ; et Russ, producteur de la cérémonie, abattu par son veuvage tout neuf et qui ne parvient pas à faire le deuil de Susan, malade d'un cancer et suicidée sur la plage de Santa Monica,

Ann Scott réussit un roman fascinant, purement addictif (ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas couchée aussi tard, en me rendant compte que j'avais chopé un sacré coup de soleil!) qui décrypte le monde des « »stars » (et en lisant ce roman, vous comprendrez pourquoi j'utilise des guillemets) et tout ce qui l'entoure : la représentation d'un monde idéalisé mais artificiel, la spontanéité (et la morbidité parfois) des réseaux sociaux.

C'est aussi, évidemment, un roman qui évoque l'horreur et le choc des attentats, la difficile période du deuil (et ici, chaque personnage vit le sien, différent, à sa manière, différente) et de la reconstruction.

J'ai tout aimé dans ce roman, la narration presque hypnotique, complètement addictive, les personnages et leurs fragilités et questionnements, et aussi cette vision, si vraie, de notre monde actuel trop connecté, tous ces petits riens qui s'essaiment, ce leitmotiv du dernier chapitre qui a fini par me faire pleurer « j'avais une ferme en Afrique… » (Out of Africa, un des plus beaux films du monde, avec Meryl Streep et Robert Redford, morts tous les deux dans l'attentat…), les couchers de soleil sur le pier…

Coup de cœur ! 
 
Merci à Valentine et aux Éditions Stock pour ce magnifique moment de lecture ! Dommage que ce roman soit paru dans une période peu adéquate parce qu'il mériterait plus de visibilité tellement il est réussi !
Eva aussi a beaucoup beaucoup aimé !
 


Bande-son indispensable à ce roman à écouter ici !

Le coeur sauvage Robin Mc ARTHUR

Editions Albin Michel - Collection Terres d'Amérique
Parution : 3 mai 2017
Titre original :
Traduction : France Camus-Pichon
224 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Bûcherons, fermiers, vieux hippies, jeunes artistes ou adolescentes rebelles, les personnages de ces nouvelles vivent à la frontière de la civilisation et du monde sauvage, dans des endroits reculés du Vermont.
 Tous cherchent à donner un sens à leur solitude et à leurs rêves, au cœur d’une nature à laquelle ils sont, souvent malgré eux, viscéralement liés. L’eau noire et glacée des lacs, l’odeur des champs en juin, la senteur de la résine,  les forêts à perte de vue… 
Robin MacArthur évoque avec puissance et grâce cet univers à la fois âpre et beau, où se reflète l’âme de ses habitants.

Robin MacArthur est originaire du Vermont, où elle vit toujours aujourd’hui. Elle a créé avec son mari un groupe de musique folk baptisé Red Heart the Ticker, et ses nouvelles ont été publiées dans de nombreuses revues littéraires au cours des dernières années.

Ce que j'en ai pensé :

En exergue, cet avis de Rick Bass : 

 « Sauvages, élégantes, lumineuses  : autant d’adjectifs pour décrire les nouvelles de Robin MacArthur, et le profond sentiment d’émerveillement qu’elles provoquent.  » 

 Autant dire que je me suis jetée sur ce livre, surtout après avoir lu le billet très tentateur d'Electra !
Et je n'ai pas été déçue ! Pas forcément fan de nouvelles, je me suis laissée emporter !

Vermont, nord-est des USA, un endroit où se côtoient anciens hippies en mobil-homes et citadins richissimes venus chercher un coin calme pas trop perdu loin des villes.

Des histoires de femmes, pour la plupart, narratrices d'un morceau de leur vie , souvent à la recherche d'apaisement ou de souvenirs heureux, Des deuils, des maladies, des regrets, des vies ratées (selon le critères du monde occidental ultra-connecté et hyper-marchand), des émois d'adolescents, des addictions à la drogue ou à l'alcool, Joan Baez ou de la country en fond sonore, la forêt et un hypothétique puma qui rôde…

Une collection d'instantanés de personnages attachants, tous liés à cette terre, qui en partent et y reviennent, qui ne l'ont jamais quittée, tous marqués par la solitude mais qui, chacun à leur manière, portent un espoir !

L'homme des bois - Pierric BAILLY

Editions P.O.L
Parution : février
160 pages
Prix Blù / Jean-Marc Roberts 2017


Ce qu'en dit l'éditeur :

L’Homme des bois n’est pas seulement le récit par son fils de la mort brutale et mystérieuse d’un père. C’est aussi une évocation de la vie dans les campagnes françaises à notre époque, ce qui change, ce qui se transforme. C’est l’histoire d’une émancipation, d’un destin modeste, intègre et singulier. C’est enfin le portrait, en creux, d’une génération, celle des parents du narrateur, travailleurs sociaux, militants politiques et associatifs en milieu rural.

Né le 14 août 1982 à Champagnole dans le Jura, Pierric Bailly est l'auteur de Polichinelle (2008), Mickaël Jackson (2011) et L'étoile du Hautacam (2016).


Ce que j'en ai pensé :

C'est la lecture d'un beau billet de blog qui m'a rappelé que j'avais noté ce roman sur la liste de mes envies ; je ne pouvais de toute façon pas passer à côté de cette histoire qui se passe là où j'ai passé toutes mes vacances d'enfant. Chaque nom de village fait revivre des souvenirs et j'ai beaucoup aimé les pérégrinations de l'auteur dans ces lieux qui me sont aussi familiers. 

Il s'agit presque d'un pèlerinage pour ce fils dont le père est mort dans les bois, la tête fracassée au pied d'une falaise alors qu'il était en balade à la recherche de champignons. Pour le narrateur, c'est plus compliqué : il ne parvient pas à se contenter des conclusions du médecin légiste et du policier chargé de l'enquête.

C'est avec beaucoup de pudeur et de tendresse qu'il nous emmène sur les traces de ce père, militant discret, amoureux de la nature, curieux (il s'intéresse à tant de choses que l'inventaire donnerait le tournis : yoga, langues étrangères, littérature, théâtre et poésie) et archiviste (l'appartement est rempli de paperasses) et en dresse un portrait réinventé grâce aux témoignages des gens qui l'ont connu : un type ordinaire et pourtant extraordinaire, hors du commun !

C'est donc un beau roman sur le deuil, un beau "double-portrait" (celui de l'auteur, en creux, derrière celui du père). Une agréable surprise !

La tresse - Laetitia COLOMBANI

Editions Grasset
Parution : 10 mai 2017
224 pages
Ce qu'en dit l'éditeur :

Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.
 
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
 
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
 
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
 
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.

Laetitia Colombani est scénariste, réalisatrice et comédienne. Elle a écrit et réalisé deux longs-métrages, À la folie… pas du tout et Mes stars et moi. Elle écrit aussi pour le théâtre. La Tresse est son premier roman.

Ce que j'en ai pensé :

C'est drôle ! Au lieu de "Ce que j'en ai pensé" j'avais commencé à écrire ; "Ce que j'ai aimé"...! 

Et j'ai aimé tant de choses ! D'abord la narration, simple mais efficace, sans fioritures, sans circonvolutions inutiles, sans pour autant être trop sèche : elle va droit à l'essentiel mais touche au cœur.

Ensuite ces trois histoires. Trois histoires, trois brins de la tresse, trois femmes.
Trois femmes que tout sépare : une intouchable qui ramasse les excréments des autres castes et n'a nul avenir (sauf celui qu'elle rêve pour sa petite fille de six ans), une italienne qui reprend l'entreprise de son père quand celui-ci, après un accident de Vespa, se retrouve dans le coma et découvre la faillite proche,  une avocate canadienne aux dents longues et à la réussite toute tracée jusqu'à ce qu'on lui détecte un cancer.

Ça pourrait vite tourner à la bluette, mais c'est tout sauf ça ! et pour un premier roman, chapeau bas ! 

J'ai été happée par ces destins, par ces conditions féminines si différentes en apparence (n'y-a-t-il pas finalement beaucoup de points communs entre une jeune femme sicilienne soumise au joug de la famille et des traditions, une indienne intouchable supposée ne jamais quitter sa caste, une femme du monde capitaliste occidental vouée toute entière à sa carrière au détriment de sa famille et de sa santé ? ). 
J'ai aimé cette façon de croiser les chemins : des femmes singulières, courageuses dans leur combat,  dignes, luttant contre les préjugés et les présupposés de classe (ah ! le déterminisme social...), des femmes fortes qui luttent, s'émancipent, chacune à sa manière, sans gloriole et sans féminisme revanchard.
  
Une belle lecture que je recommande -et je sais bien que je ne suis pas la première à le faire !