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Monument national - Julia DECK

 

Editions de MINUIT

Parution : 6 janvier 2022

208 pages

 Ce qu'en dit l'éditeur :

Au château, il y a le père, vieux lion du cinéma français et gloire nationale. Il y a la jeune épouse, ex-Miss Provence-Alpes-Côte d’Azur, entièrement dévouée à sa famille et à la paix dans le monde. Il y a les jumeaux, la demi-sœur. Quant à l’argent, il a été prudemment mis à l’abri sur des comptes offshore.
Au château, il y a aussi l’intendante, la nurse, le coach, la cuisinière, le jardinier, le chauffeur. Méfions-nous d'eux. Surtout si l’arrêt mondial du trafic aérien nous tient dangereusement éloignés de nos comptes offshore. 

Ce que j'en ai pensé :

Ce que j'aime chez Julia DECK, c'est la facilité avec laquelle elle parvient, au travers de ses romans, à être piquante-mordante tout en jouant sur des faits de société, introduisant un zeste de second degré qui place ses écrits dans une perspective singulière.

Si dans "Monument national" on s'interroge sur la supposée identité de cette gloire vieillissante (Serait-ce Belmondo ? Johnny Hallyday ?), et que c'est extrêmement amusant d'établir des parallèles, des recoupements par rapport à ce qu'on connaît des potins people, il n'en reste pas moins que Julia DECK évoque des faits de société et, entre autres, notre relation au monde contemporain (la diffusion de la vie privée sur Instagram et les réseaux sociaux, la communication de nos dirigeants, la mixité et l'inclusion sociale, etc..).

Bien loin de n'être qu'une simple pochade, les tribulations des personnages sont le reflet de notre société, de ses tracas sociétaux, de l'opposition monde réel/monde rêvé (peut-on ici oser le rôle d'Instagram qui transforme tout ce qui se photographie ?)

Certes, l'ensemble peut sembler tenir du vaudeville. Mais s'avère au final plus fin qu'une lecture au premier degré ne semble l'imposer..Si l'on connait un peu Julia DECK, et surtout si l'on s'interroge sur l'actualité et la communication (officielle ou individuelle), sur les antagonismes sociaux qui font le régal des futurs candidats à l’Élysée, il y a de quoi lire entre les lignes.

D'un point de vue narratif, c'est le regard de Joséphine, fillette asiatique - adoptée- de 7 ans, qui impulse le roman et ce n'est certainement pas anodin ; cela fait écho à la neutralité/fragilité du témoignage d'une enfant, supposément en dehors de toute influence extérieure (et c'est probablement un écran de fumée entre ce qui s'est passé et ce qu'on en apprendra, entre les acteurs et les "lecteurs").

Je me suis amusée à deviner "QUI", comme sans doute beaucoup de lecteurs même peu férus de potins people, mais j'ai surtout aimé, une fois encore, comment Julia DECK, par-delà les apparences, réussit à interroger sur nos mœurs contemporaines et notre rapport à l'information.


Propriété privée - Julia DECK

Editions de Minuit
Parution : 5 septembre 2019
176 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Il était temps de devenir propriétaires. Soucieux de notre empreinte environnementale, nous voulions une construction peu énergivore, bâtie en matériaux durables. Aux confins de la ville se tramaient des écoquartiers. Notre choix s'est porté sur une petite commune en plein essor. Nous étions sûrs de réaliser un bon investissement.

Plusieurs mois avant de déménager, nous avons mesuré nos meubles, découpé des bouts de papier pour les représenter à l'échelle. Sur la table de la cuisine, nous déroulions les plans des architectes, et nous jouions à déplacer la bibliothèque, le canapé, à la recherche des emplacements les plus astucieux. Nous étions impatients de vivre enfin chez nous.

Et peut-être aurions-nous réalisé notre rêve si, une semaine après notre installation, les Lecoq n'avaient emménagé de l'autre côté du mur.

Ce que j'en ai pensé :

Ça parait léger, presque en mode caricature et pourtant, ça grince et ça pique, et ça tourne vite fait au thriller !!

Je ne connaissais pas du tout Julia Deck mais j'aime beaucoup les Editions de Minuit (la faute à Echenoz et Ravey !!) et ce roman file direct dans la bonne case, dans ce petit bout d'étagère que j'aime tant !!

Parce que si le roman commence par le "milieu" de l'histoire (un chat roux à exterminer, et la scie sauteuse fera bien l'affaire après le raticide ! gloups !), il y a ici une galerie de personnages, une photo plein cadre des banlieues écolo-"bobo-isées" avec des couples "super sympas tendance, etc" comme on pourrait en voir dans les magazines !

Avec pourtant, tellement de défauts et de faiblesses, que loin de la caricature on pourrait tous identifier nos voisins (ou nous même !!...). Et quand le réseau collectif de distribution de chaleur saute, que le chat découpé secoue les âmes sensibles, tout éclate, tout part en vrille !

Disparait alors la trop sympathique voisine en micro-short et son labrador pendant que se coule la dalle d'une terrasse (syndrome Dupont de Ligonnès) et les apéros "trop sympas" entre voisins ne sont plus qu'un souvenir !

Excellent ! Subtil et drôle, avec ce côté flou qui entretient le doute (mais qui a tué le chat ? et la voisine ? sûrement pas qui on croit !)..

Je me suis régalée, j'ai trouvé l'intrigue brillante et du coup, j'ai commandé les autres romans de Julia Deck ! (c'est malin !)

Une année de romans


C'est l'heure des bilans ! 

Je n'ai pas pu résisté à reprendre le questionnaire vu chez Jérôme , chez The Autist Reading et chez Hop sous la couette pour balayer mon année en livres !

J'ai clairement moins lu qu'en 2018 (140 livres en 2018 contre 170 en 2017) et j'ai eu aussi beaucoup moins de coups de cœur (trop d'attentes déçues)..

140 livres et 346 600 pages environ !

Moitié romans (67 dont 19 premiers romans), moitié polars (65, l'ambiance n'est donc pas si noire !), et quelques récits et documents.

Seulement 47 romans écrits en langue française parmi mes lectures qui pourtant m'ont emmenée au bout du monde (26 livres se déroulent sur le continent américain, 10 en Afrique - au sens large-, 11 ailleurs en Europe et 7 dans les pays nordiques).


1) Ma 1ère lecture de l'année ?
(et une très bonne surprise !)

Community - Estelle NOLLET - Editions Albin Michel

 2) Le livre le plus bref que j'ai lu ?
(96 pages avec beaucoup d'humour) 
 
 Bambi bar - Yves RAVEY - Editions de Minuit

3) Le livre le plus dépaysant ?
(et qui aurait mérité plus de visibilité)

Un océan, deux mers, trois continents - Wilfried N'SONDÉ - Editions Actes Sud

 4) La plus belle couv' de l’année ?
(et aussi un très beau conte)

Salina, les trois exils - Laurent GAUDÉ - Editions Actes Sud

 5) Un nouvel auteur découvert cette année ?  
(et une très jolie surprise !)

La vraie vie - Adeline DIEUDONNÉ - Editions de l'iconoclaste

 6) Le livre dont l’écriture m’a éblouie ?
(étonnant !)

Frère d'âme - David DIOP - Editions du Seuil

 7) Le meilleur personnage de l’année ?
(sacrée nana !!)

Alex- Pierre LEMAITRE - Editions Le livre de poche


 8) Le livre que j’attendais le plus ?
(et qui a répondu à mes attentes !)

Juste après la vague - Sandrine COLLETTE - Editions Denoël


 9) Le livre le plus déstabilisant ?
 (pour tout un tas de raisons !)

Est-ce ainsi que les hommes jugent ? - Mathieu MÉNEGAUX - Editions Grasset

 10) Le livre le plus inattendu ?
(parce que je n'aurais pas pensé relire ce classique plein de fantaisie, et que j'en suis ravie !)

Mon chien Stupide - John FANTE - Editions 10/18

 11) Le livre que j’ai enfin lu ?
(pour lire sa suite aussitôt après !) 
 
Au revoir là-haut - Pierre LEMAITRE - Editions Albin Michel

 12) Mon plus gros pavé ?
(et ce sont deux polars !)

en poche :
Lontano - Jean-Christophe GRANGÉ - Editions du Livre de Poche (non chroniqué) - 960 pages

en broché grand format :
Signe de vie  - José RODRIGUES DOS SANTOS - Editions Harper Collins - 704 pages

 13) Le livre le plus émouvant ?
 (je n'ai pas lu grand chose qui m'ait vraiment émue cette année...)

Le paradoxe d'Anderson - Pascal MANOUKIAN - Editions du Seuil

 14) Le livre le plus drôle ? 
(et qui fait réfléchir tout de même !)

Ecoute - Boris RAZON - Editions Stock

15) Le livre qui m’a appris quelque chose que j’ignorais totalement ?
(sur l'origine de la danse de St Guy)

Entrez dans la danse - Jean TEULÉ - Editions Julliard

 16) Ma dernière lecture de l’année ?
(et un auteur que je ne pensais pas lire un jour !)

L'empire des loups - Jean-Christophe GRANGÉ - Editions Le livre de poche 
(non chroniqué) 

 17) Le plus beau titre de l’année ?
(parce que, ce poème d'Aragon, chanté par Bernard Lavilliers :
" C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien"
)

Prendre des loups pour des chiens - Hervé Le Corre - Editions Rivages


 18) Le meilleur recueil de nouvelles de l’année ?
(parce que c'est surtout le seul lu en 2018 - et qu'il est super bien !)

J'aurais voulu être égyptien - Alaa EL ASWANY - Editions Actes Sud

 19) Le livre le plus ennuyeux de l’année ?
 (aurait pu postuler dans la rubrique suivante !)

Le cœur converti - Stefan HERTMANS - Editions Gallimard

 20) Le plus gros raté de l’année ?
 (lu dans le cadre du Prix Elle, la daube ultime en matière de polar !)

Défaillances - B.-A. PARIS - Editions Hugo Thriller


 21) Le meilleur livre de l’année ?
(parce que Khadra, parce que ça dérange nos préconçus) 

Khalil - Yasmina KHADRA - Editions Julliard

-**-
Et vous ? Votre bilan ?
(clic sur les titres pour lire les chroniques)

Bambi bar - Yves Ravey

Editions de Minuit
Parution : 10 janvier 2008
96 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Quand les gendarmes frappent chez Léon, à l'aube, ils prétendent enquêter sur la voiture qui a renversé une jeune fille à la sortie d'un dancing.
Mais, très vite, leurs questions s'orientent sur les activités du Bambi Bar qui emploie cette jeune fille dans des conditions pour le moins louches et qui vient d'engager Léon pour réparer la chaudière

Ce que j'en ai pensé :

Il est malin, Yves Ravey ! 
Parce qu'avec ses phrases courtes et sèches, il arrive à l'essentiel, et même si l'intrigue se dessine assez vite, il y a toujours un twist, quelque chose qui perturbe, change la donne ! 

De ce supposé "voyeur" est-européen qui observe Candie et sa mère aux travers de jumelles, on ne sait presque rien. Et puis, à coups de plume ciselée, Léon devient un mec bien, un mec futé, avec de vrais motifs.

Yves Ravey ne dissèque pas ses personnages, mais il leur donne corps, et finalement s'épargnant mots inutiles, il livre un portrait vif et intelligent de ces protagonistes, prostituées, mafieux maquereaux, marginaux.

Impossible de spatialiser l'intrigue, impossible d'en limiter l'époque, c'est hier ici, c'est aujourd'hui ailleurs, et cette espèce de neutralité permet de concentrer le dénouement, de lui donner une universalité.

Faire mouche - Vincent ALMENDROS

Editions de Minuit
Parution : 4 janvier 2018
126 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

À défaut de pouvoir se détériorer, mes rapports s’étaient considérablement distendus avec ma famille. Or, cet été-là, ma cousine se mariait. J’allais donc revenir à Saint-Fourneau. Et les revoir. Tous. Enfin, ceux qui restaient.
Mais soyons honnête, le problème n’était pas là.

Ce que j'en ai pensé :

Autant je n'avais pas aimé Un été, autant je dois reconnaître que cet opus a fait mouche ! 
Même si le roman s'apparente bien plus à une nouvelle par sa longueur, même si je l'ai lu en  3/4 d'heure, que j'avais deviné la chute (ou en tout cas, le nœud de l'intrigue), j'ai beaucoup aimé l'humour grinçant et la plume de l'auteur entre tragédie et légèreté et cette galerie restreinte de personnages, leur accent campagnard et leurs manières et peu frustres, l'ambivalence qui se dessine, le poids des rumeurs et des non-dits, le double-jeu sous-jacent.

C'est malin, rapide, et c'est une vraie réussite !

Trois jours chez ma tante - Yves RAVEY

Editions de Minuit
Parution : 7 septembre 2017
192 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Après vingt ans d’absence, Marcello Martini est convoqué par sa tante, une vieille dame fortunée qui finit ses jours dans une maison de retraite médicalisée, en ayant gardé toute sa tête.
Elle lui fait savoir qu’elle met fin à son virement mensuel et envisage de le déshériter.
Une discussion s’engage entre eux et ça démarre très fort.

Né en 1953 à Besançon, Yves Ravey est un romancier et dramaturge français, enseignant de lettres et d'arts plastiques au collège Stendhal. Trois jours chez ma tante est sélectionné pour le prix Goncourt. 

Ce que j'en ai pensé :

Quel personnage ce Marcello Martini ! Fourbe, roué, mais franchement malchanceux aussi !!! 

Un drôle de bonhomme, ambigu à souhait, dont on croit deviner les vilaines intentions mais qui laisse deviner un "bon" fonds, le genre de gars à vous vendre votre propre montre...

Etonnant, drôle souvent, un rythme enlevé (chapitres courts, incisifs) , une narration précise et l'agréable sensation d'avoir dévoré un petit bijou de finesse !

Je ne dévoilerai rien de plus, mais je me suis régalée, et nul doute que je vais creuser le cas "Ravey" et dénicher ses autres romans bien vite !
 

Insoupçonnable - Tanguy VIEL

Editions de Minuit
Parution : 2006
144 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Sam est le frère de Lise. Du moins c'est ce que tout le monde croit quand Lise se marie avec Henri. Mais c'est surtout Henri qui doit le croire, pour que Sam et Lise puissent réussir leur mauvais coup. Seulement Henri aussi a un frère, un vrai cette fois, et qui s'appelle Édouard. Or même vrai on peut être un faux frère.

Ce que j'en ai pensé :

Machiavélique ! On dirait du H-G Clouzot ! Ça commence comme un plan bien malin entre deux fieffés roués qui veulent plumer un pigeon...et ça finit...mal !
Il faut toujours un naïf dans l'histoire, le gars qui a tiré la mauvaise carte au poker !

Alors, un scénario de polar en 144 pages, vif et alerte, mais dont la narration reste dense et les personnages bien brossés, on ne peut qu'admirer ! Même si ce n'est pas le meilleur roman de l'auteur, j'ai aimé le ton, la facilité à faire concis et intrigant à la fois !

Il est fort, Tanguy Viel ! Indéniablement !

La disparition de Jim Sullivan - Tanguy VIEL

Editions de Minuit 
Parution : 2013
160 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Du jour où j'ai décidé d'écrire un roman américain, il fut très vite clair que beaucoup de choses se passeraient à Detroit, Michigan, au volant d'une vieille Dodge, sur les rives des grands lacs. Il fut clair aussi que le personnage principal s'appellerait Dwayne Koster, qu'il enseignerait à l'université, qu'il aurait cinquante ans, qu'il serait divorcé et que Susan, son ex-femme, aurait pour amant un type qu'il détestait.


Ce que j'en ai pensé :

On dirait qu'on écrirait un roman américain...

" C'est la première scène de mon livre, un type arrêté dans une voiture blanche, moteur coupé dans le froid de l'hiver, où se dessinent doucement les attributs de sa vie : une bouteille de whisky sur le siège passager, des cigarettes en pagaille dans le cendrier plein, différents magazines sur la banquette arrière (une revue de pêche bien sûr, une de base-ball bien sûr), dans le coffre un exemplaire de Walden et puis une crosse de hockey."

Humour et parodie, pastiche, variation sur le livre dans le livre, voila la patte (la plume) de Tanguy Viel. 

Un type, dans le Michigan, planque dans sa voiture devant le domicile de son ex-femme, Susan (aux yeux noirs !! je ne savais pas Tanguy Viel porté sur la botanique !), en écoutant les ballades forcément tristes de Jim Sullivan, disparu en plein désert, peut-être enlevé par des OVNI..

L'auteur revisite les "clichés" du roman américain : le prof de fac, spécialisé en littérature (Moby Dick), qui joue au poker avec ses voisins, a une jolie femme qui le trompe (avec un autre prof), rencontre une serveuse qui tourne des films X (et est accessoirement son étudiante)...

Et je me suis un peu ennuyée ! 

j'ai beaucoup aimé le regard distancié que pose l'auteur sur les romans américains, mais j'ai eu l'impression que Tanguy Viel, malgré tout l'humour et le second degré dont il est capable, s'écoutait écrire...

Un peu comme quand on était enfant et qu'on disait " On ferait comme si..." avec nos poupées. 
Ça ne m'a pas déplu mais ça n'a pas fonctionné non plus ! Dommage !

Paris-Brest - Tanguy VIEL

Editions de Minuit
Parution : 8 janvier 2009
192 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Il est évident que la fortune pour le moins tardive de ma grand-mère a joué un rôle important dans cette histoire. Sans tout cet argent, mes parents ne seraient jamais revenus s'installer dans le Finistère. Et moi-même sans doute, je n'aurais jamais quitté Brest pour habiter Paris. Mais le vrai problème est encore ailleurs, quand il a fallu revenir des années plus tard et faire le trajet dans l'autre sens, de Paris vers Brest.

Ce que j'en ai pensé :

On a tous des comptes à régler avec nos parents, de la distance à mettre parfois avec notre famille. Il parait que ça montre qu'on a grandi...

Pour le narrateur de cette drôle d'histoire, c'est un peu plus compliqué : derrière le règlement de comptes, il y a les silences (ô combien pesants !) du père soupçonné de détournement de fonds dans son club de foot, il y a un frère qui ne révèle pas son homosexualité, une grand-mère qui a épousé un millionnaire au bord de la tombe et est devenue une héritière, et il y a la mère, hautaine, petite-bourgeoise étouffée par son serre-tête et ses principes.

Et il y a Louis, le narrateur, qui peine à trouver son équilibre dans cette famille et qui ne trouve son salut que dans la fuite, dans l'amitié du fils Kermeur (Erwan, celui qui est évoqué dans Article 353 du Code Pénal) et dans l'écriture d'un roman familial.

Des accents autobiographiques, un parfum de rancune, une ironie latente et une habile construction (un roman dans le roman) qui égare le lecteur, voila qui est malin et qui se lit d'une traite ! 

14 - Jean ECHENOZ

Editions de Minuit
Parution : 4 octobre 2012
128 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état.

Ce que j'en ai pensé :

Je m'étais régalée en lisant Envoyée spéciale alors que je le lisais dans le cadre du Prix des Lecteurs BFM/L'Express, je découvrais alors la prose particulière de Jean Echenoz et je m'étais promis de lire certains de ses autres romans.

14 faisait partie de ces œuvres qui m'intriguent : très courtes alors qu'elles traitent d'un sujet difficile.

J'ai retrouvé avec le même plaisir l'humour très décalé de l'auteur, sa façon de glisser des remarques mordantes, le rythme singulier de sa narration.
J'ai aimé également les personnages : fleur au fusil lors de la mobilisation générale d'août 1914, on les retrouve cabossés si toutefois ils s'en sortent vivants…

"(…) on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés : les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes." 
 
J'ai aimé cette lecture dont chaque phrase se savoure, chaque fois lourde en évocations et je salue la prouesse de l'auteur d'avoir réussi un roman touchant sur un sujet si lourd.

Article 353 du Code Pénal - Tanguy VIEL

Editions de Minuit
Parution : 3 janvier 2017
176 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu'il soit construit.


Tanguy Viel est né en 1973 à Brest. Il publie son premier roman Le Black Note en 1998 aux Editions de Minuit qui feront paraître Cinéma (1999), L’Absolue perfection du crime (2001), Insoupçonnable (2006), Paris-Brest (2009), La Disparition de Jim Sullivan (2013) et en janvier 2017 Article 353 du code pénal.
Pensionnaire de la Villa Médicis en 2003-2004, il a obtenu le prix Fénéon et le prix de la Vocation pour L’Absolue perfection du crime.


 

Article 353 du Code de Procédure Pénale, modifié par la Loi n°2011-939 du 10 août 2011 - art.12 :

"Sous réserve de l'exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? ". "

Ce que j'en ai pensé :

 Il n'a pas de veine, Martial Kermeur ! Un licenciement, un billet gagnant de loto non validé, un divorce et un gamin à élever seul. Et quand en plus, ledit gamin, six ans plus tard, se retrouve en prison et qu'il comprend que Lazenec l'a escroqué, manipulé, il le balance à la mer. Face au juge d'instruction, Martial va raconter comment il en est arrivé là, à tuer un homme. 

C'est dans une logorrhée dense que l'homme refait l'histoire de sa vie ratée et de ses erreurs de jugement. On a l'impression que Kermeur laisse enfin s'évacuer le trop de ses émotions, de tous ses non-dits, de sa frustration et de sa honte, dans le huis-clos d'un bureau de tribunal. En face de lui, le juge d'instruction n'est finalement qu'un homme comme un autre.

Une narration très réussie dont le flot emporte le lecteur, elle déstabilise d'abord par ses mots en cascade, comme une soupape ouverte, puis elle enveloppe et affirme la proximité entre le lecteur (qui pourrait alors être juré de ce procès prévisible) et Martial Kermeur, pauvre bougre, anti-héros et héros à la fois (parce que lui seul a eu le courage de mettre un terme à l'humiliation collective, aux abus d'un promoteur véreux), père fragile, laissé-pour-compte de la société. Un pauvre type, mais surtout un brave type dont on ressent toute la simplicité, toute l'humanité et auquel on s'attache de page en page.

Parce qu'en plus, au-delà de la grande vague de mots que déversent le presqu'accusé, c'est aussi un beau regard sur la Bretagne (la mer, les nuages noirs et les vents contraires) qui nous est offert. Dans les mots simples comme déroulés d'une longue bobine de fil, il y a surtout des fragments de poésie pure !

Une belle maîtrise de la langue, une tension dans l'intrigue et Martial Kermeur comme un justicier dans un roman franchement réussi !  
Coup de cœur, évidemment !
 

Le cas Annunziato - Yan GAUCHARD

Les éditions de Minuit
Parution : 7 janvier 2016
124 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :
Un homme, Fabrizio Annunziato, se retrouve accidentellement enfermé dans le musée national San Marco, à Florence. Annunziato ne cille pas, n’appelle pas à l’aide. Il épie à la fenêtre et avance des travaux de traduction. Jusqu’à sa découverte qui va faire grand bruit en Italie.

Yan Gauchard est né en 1972. Le Cas Annunziato est son premier roman. 

Ce que j'en ai pensé :
124 pages, c'est court ! Et l'auteur pourtant est bavard, son propos s'égare et s'amuse entre situations cocasses et références culturelles ! 

Commencé sur une farce avec une réclusion involontaire dans la cellule de Fra Angelico où est peinte L'annonciation , le roman, sans rien perdre de son humour, évoque la situation politique de l'Italie en 2002 quand Berlusconi reprend le pouvoir et que des manifestations violentes perturbe le pays. 
La narration se calque sur l'insolite de l'enfermement fortuit au musée, alternant propos comme parlés et style plus classique ; c'est en tout cas agréable à lire, souvent primesautier.

Une lecture-parenthèse qui laisse promettre un vrai talent et une écriture qui m'a rappelé Echenoz.  

 Fresque de L'annonciation - Fra Angelico - Couvent de San Marco à Florence, Italie