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L'arbre ou la maison - Azouz BEGAG

 

Editions Julliard

Parution : 19 août 2021

304 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Après des années d'absence et la mort de leur mère, deux frères lyonnais, Azouz l'écrivain et Samy l'arboriculteur, binationaux franco-algériens, décident de rentrer quelques jours à Sétif, le temps de nettoyer les tombes de leurs parents et de vérifier l'état de la maison familiale. Tandis que Samy bougonne à l'idée de remettre les pieds dans cette ville où il n'a plus de repères, Azouz est impatient d'assister à la révolution démocratique qui secoue le pays. Par-dessus tout, il espère retrouver Ryme, la femme qu'il aime depuis toujours, son cordon ombilical avec la terre de ses ancêtres. Mais à Sétif, Samy et Azouz ne reconnaissent plus rien, et aux yeux des locaux, ils sont devenus des étrangers, des bi. Quant à Ryme, l'amour de la liberté lui a donné des ailes, comme à son peuple. L'aura-t-elle attendu ? Il n'y a que le bel arbre planté par leur père devant la maison, un demi-siècle plus tôt, qui n'a pas changé de place. Mais il a tellement grandi que ses racines en menacent les fondations. Les deux frères se retrouvent ainsi face à un dilemme : garder l'arbre ou la maison. 

 

Ce que j'en ai pensé :

Que garde-t-on de ses racines ? Un legs matériel ou un héritage émotionnel ? 

Comment se construit-on quand on est enfant d'immigrés né dans un pays d'adoption ?

C'est ce à quoi semble s'attacher ce roman d'Azouz Begag, questionnant sur l'identité, les racines, l'attachement à un pays quand on est, comme lui, binational, un peu de "là-bas", un peu d'"ici"...

On serait tenté de ne voir que la parabole de l'arbre qui menace les fondations (les racines versus ce qu'on a construit) mais ce serait réducteur. Parce que l'Algérie que redécouvrent les deux frères n'est pas seulement le lieu originel de la famille, ni son possible attachement, elle est aussi un pays qui vacille, comme la maison (la raison ?) du narrateur, sur ses fondations, quand les "printemps arabes" redessinent le pouvoir.

C'est une double interrogation : se reconnaissent-ils dans ce pays qui a vu naître leurs parents et devait devenir leur Éden, ou en sont-ils éloignés, inexorablement, par une possible acculturation et par les les bouleversements politiques qu'ils ne comprennent pas toujours ?

Comment d'un voyage initiatique, d'un retour aux sources, peuvent-ils reconstruire leur propre identité ?

C'est avec beaucoup d'humour (avec parfois un détachement mi-feint) que l'auteur aborde ces problématiques, les ponctuant de situations parfois cocasses, parfois dramatiques, souvent ambivalentes.

C'est surtout sans préjugés qu'Azouz Begag replace la question de l'identité et des origines, dans ce roman plus malin, plus fin qu'il ne parait aux premiers abords.

Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions Julliard pour cette lecture très enrichissante.

Algérie, "Soyez les bienvenus" - Claire et Reno MARCA

 

Editions de la Martinière

Parution : 5 août 2014

216 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

A travers un périple de 4 mois, Claire et Reno Marca sont allés à la découverte de l'Algérie d'aujourd'hui : colorée, surprenante, fraternelle et chaleureuse. Illustré par plus de 600 dessins et photographies, ce récit de voyage est un passionnant reportage au cœur de l'un des plus beaux, des plus attachants pays du monde.

Ce que j'en ai pensé :

Oubliez tout ce que vous croyez savoir à propos de l'Algérie, mettez de côté les attentats des années 1990, la guerre d'indépendance !

Ce très beau livre offre un autre regard sur un pays aux multiples visages.

D'Alger la blanche aux ocres du Hoggar, des faubourgs d'Oran aux montagnes de la Kabylie, on croise Maïssa Bey, écrivain féministe, des religieux chrétiens, des musiciens traditionnels, on évoque le souvenir de Théodore Monod et d'Isabelle Eberhardt.

Et si les dessins et les photos sont remarquables, le texte qui les accompagne est d'une formidable justesse et transportent le lecteur au gré d'un périple où la poésie de l'instant est omniprésente.

Une belle découverte ! (et l'envie de prendre un avion pour partir à la rencontre de ce pays méconnu et mal-aimé et de ses habitants)


Le pays des autres - Leïla SLIMANI

Editions Gallimard - Collection La blanche
Parution : 5 mars 2020
368 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

En 1944, Mathilde, une jeune Alsacienne, s’éprend d’Amine Belhaj, un Marocain combattant dans l’armée française. Après la Libération, le couple s’installe au Maroc à Meknès, ville de garnison et de colons. Tandis qu’Amine tente de mettre en valeur un domaine constitué de terres rocailleuses et ingrates, Mathilde se sent vite étouffée par le climat rigoriste du Maroc. Seule et isolée à la ferme avec ses deux enfants, elle souffre de la méfiance qu’elle inspire en tant qu’étrangère et du manque d’argent. Le travail acharné du couple portera-t-il ses fruits? Les dix années que couvre le roman sont aussi celles d’une montée inéluctable des tensions et des violences qui aboutiront en 1956 à l’indépendance de l’ancien protectorat. 
 
Tous les personnages de ce roman vivent dans «le pays des autres» : les colons comme les indigènes, les soldats comme les paysans ou les exilés. Les femmes, surtout, vivent dans le pays des hommes et doivent sans cesse lutter pour leur émancipation. Après deux romans au style clinique et acéré, Leïla Slimani, dans cette grande fresque, fait revivre une époque et ses acteurs avec humanité, justesse, et un sens très subtil de la narration. 

Ce que j'en ai pensé :

Changement de style pour Leïla Slimani, pour mon plus grand plaisir !

Voila une trilogie qui débute aux abords de Meknès, au Maroc, une grande fresque familiale aux personnages multiples qui accroche le lecteur dès les premières pages.

Les personnages justement ! 
J'ai aimé qu'ils soient si finement campés, chacun fait face à ses propres démons, à ses contradictions, aucun n'est noir ni blanc. Tous sont dessinés en finesse, révèlent des caractères intéressants, donnent la mesure de l'intrigue et sont les témoins des grands bouleversements qui vont secouer le pays à la veille de son indépendance.

C'est un roman qui parle de la place des femmes dans la société marocaine, leur volonté d'émancipation et leur soumission entremêlées, qui explore le thème de "l'autre" comme étranger, y compris dans son propre pays, et qui restitue un instantané saisissant du Maroc dans les années 1950 entre tradition et modernité.

Vivement la suite !

Les racines du mandarinier - Cécile OUMHANI

Editions Elyzad - Poche
Parution : 24 juin 2016
248 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :


Marie et Ridha se sont connus étudiants à Paris, dans l'effervescence des cafés et des discussions animées. On est à la fin des années soixante. Le pays de Ridha, la Tunisie, se construit avec ferveur : hôpitaux, écoles, universités... Le jeune couple décide de s'y installer. Tandis que son époux renoue dans la joie du retour avec ses amis et son mode de vie d'avant, Marie s efface. Comment trouver sa place, poursuivre ses idéaux et conserver l'amour ? Dans ce monde nouveau qu'elle fait sien, confrontée à de vives turbulences, elle s'applique à tenir son passé à distance et tente de vivre au-delà des séparations. 
Un roman élégant, à l'écriture ciselée, qui nous introduit avec subtilité dans les émotions de personnages aux prises avec la culture de l'autre, l'absence et la recherche de leur propre vérité. 

Ce que j'en ai pensé :

L'amour comme une déchirure. Pour Marie, le choc est brutal : la Tunisie que lui avait vanté Ridha la laisse de côté. Les femmes sont mises de côté, annihilées...et jugées folles si elles ne savent pas s'adapter.

Que reste-t-il des idéaux, du rêve de multi-culturalité dans un pays où il faut souvent renoncer, y compris à son propre fils ?

Cécile Oumhani cisèle son histoire dans une dentelle précieuse, tisse le lien mère-fils (y compris "contre" la tradition), évoque dans une langue poétique le choc des cultures (Occident/Orient) et la relation homme-femme, prolonge le regard sur le Maghreb et ses traditions, dessinant en creux la confrontation entre des êtres différents, façonnés par leur héritage familial.

Une belle lecture, en douceur, où j'ai trouvé des mots justes et des émotions sincères. 

Après la mer - Alexandre FERAGA

Editions Flammarion
Parution : 9 janvier 2019
304 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

«J’avais dix ans lorsque je suis sorti de l’enfance.»

Devant la voiture chargée jusqu’à la gueule, Alexandre comprend qu’il part en vacances, seul avec son père. Il n’a aucune idée de leur destination : qu’importe, il espère se rapprocher de cet homme taiseux qui l’impressionne et glaner enfin quelques signes d’affection.

Le temps d’un été, Alexandre va devenir Habib – son vrai premier prénom qu’il n’a jamais utilisé en France –, traverser la mer, découvrir d’où vient son père et prouver à ses grands-parents que leur aîné n’a pas renié ses origines. Même si pour cela il doit engloutir tout ce que l’Algérie fait de pâtisseries et subir les corrections d’un grand-père soucieux d’honneur.

Mais le but de ce voyage se révèle, au fur et à mesure, étrangement plus inquiétant.


Ce que j'en ai pensé :

Après la mer, roman autobiographique et récit initiatique tout à la fois, raconte le difficile passage de l'enfance vers l'âge adulte d'Alexandre, fils d'une française et d'un algérien (Mohamed devenu Maurice pour s'intégrer), qui perd ses illusions et son innocence en embarquant vers l'Algérie où son père va le confier à ses grands-parents le temps d'un été.

Un été, à la fois tendre et infiniment cruel, pendant lequel Alexandre (devenu Habib pour plaire à la famille paternelle) expérimente un retour aux origines qui s'achèvera dans la douleur.

«J’avais traversé la mer pour effacer tous les péchés de mon père. Son occidentalisation à marche forcée, la dilution de son identité, le reniement de sa culture.»

Après la mer, au-delà des souvenirs autobiographiques, évoque aussi la question de la double-identité et de l'intégration : Alexandre le français et son double, Habib l'algérien, qui jonglent avec cette dualité, ce fragile équilibre.

J'ai beaucoup aimé la plume d'Alexandre Feraga, sobre mais tendre, et la façon dont les personnages de ce roman très personnel prennent corps et dévoilent leurs failles. 
 
Un beau roman qui m'a beaucoup touchée par sa sensibilité.

Les voyages de sable - Jean-Paul DELFINO

Editions du Passage
Parution : 23 août 2018
270 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Par une nuit de neige qui finit par immobiliser Paris, monsieur Jaume se rend dans un café de la rue Saint-André-des-Arts. En veine de confidences, il raconte à Virgile, un bistrotier désabusé, la malédiction qui le frappe. Monsieur Jaume est immortel.

Toute la nuit durant, et avec la promesse de lui révéler son secret, il va confier à Virgile ses multiples existences passées. Né à Marseille en 1702, il fuit la grande peste, part à l'aventure en Afrique, cultive le café en Guyane, meurt à cent reprises et revient à la vie autant de fois. Peintre d'ex-voto au Brésil, guetteur de cadavres sur le Rhône, négrier à l'occasion, clerc de notaire à Paris, ermite au Portugal ou spectateur de la révolution de 1848, Jaume connaîtra l'amour, l'amitié et la trahison. 
 
Tout d'abord sceptique, Virgile l'écoute. Puis, peu à peu, sa curiosité s'éveille et il se laisse prendre au jeu. Être immortel semble bien tentant. Mais n'est-ce pas le pire cadeau que le sort puisse offrir à un homme ?

Avec Les Voyages de sable, Jean-Paul Delfino nous invite à une longue traversée poétique et fantastique, où une nuit dure trois siècles et l'arrière-salle d'un café ouvre sur les cinq continents.

Ce que j'en ai pensé :

Ça vous dit de partir en voyage autour du monde et à travers l'histoire sans sortir de chez vous ?

Faites comme Virgile, le cafetier : asseyez-vous auprès de Monsieur Jaume, sortez une bonne bouteille de vieux rhum (ou prévoyez quelques cafés) et partez à l'aventure !

De Marseille attaquée par la Peste à l'aube du XVIIIème siècle, en passant par l'Afrique ou la Guyane, on suit ce vieux monsieur, supposé immortel, dans un tas de péripéties fantastiques et franchement addictives !
J'ai imaginé Shéhérazade et les Mille et Une Nuits, emportée par les belles lignes de ce roman de voyages et d'aventure, j'ai même fini par avoir des images très précises de ce petit café où les deux hommes échangent amitié et cigarettes.
Les deux personnages sont fabuleux et l'histoire, remarquablement contée, nous interroge sur l'immortalité (bénédiction ou malédiction?) mais surtout sur les bégaiements de l'Histoire, sur la fâcheuse tendance des hommes à ne pas retenir les leçons du passé !

Un beau roman, vivant et rythmé, un « voyage » dépaysant depuis une banquette de moleskine !

Merci aux Editions du Passage et à Babelio Masse Critique pour cette enthousiasmante et poétique lecture !!

Le premier homme - Jacques FERRANDEZ (d'après Albert CAMUS)

Editions Gallimard BD - Collection Fétiche
Parution : 21 septembre 2017
184 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

« En somme, je vais parler de ceux que j'aimais », écrit Albert Camus dans une note pour l'œuvre à laquelle il travaillait au moment de sa mort. Il y avait jeté les bases de ce que serait son récit de l'enfance : une odyssée temporelle et émotionnelle à travers ses souvenirs, un récit qui, sous couvert de fiction, revêt un caractère autobiographique exceptionnel. À la recherche de ses origines, il y évoque avec une singulière tendresse son univers familial, le rôle des femmes, celui de l'école, la découverte du monde extérieur... En filigrane, on découvre les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement.



Ce que j'en ai pensé :

Je trouve délicat, pour moi qui ne suis pas habituée à l'exercice, d'écrire un billet BD. Je n'en maîtrise pas les codes. Ce qui m'importe le plus, outre que le graphisme me plaise, c'est que l'histoire me touche. C'est le cas ici.

Jacques Ferrandez adapte avec douceur et sensibilité le roman inachevé d'Albert Camus qui fut retrouvé sur les lieux de son accident mortel, écrit en pattes de mouche presque illisibles et qui s'apparente à une autobiographie (Jacques Cormery est le "double" de Camus).

L'ambiance est à la nostalgie de l'enfance en Algérie, des moments entre copains sur la plage inondée de soleil, des siestes avec l'impressionnante grand-mère et du mutisme de la mère, veuve trop tôt. C'est aussi, en filigrane, le deuil d'un père mort pendant la Grande Guerre et l'ombre des "événements", de cette guerre d'Algérie.



Une belle découverte qui m'a donné envie de découvrir les autres productions de l'auteur, visiblement attaché à Camus (il a adapté L'étranger) et à l'Algérie. 

L'empereur à pied - Charif MAJDALANI

Editions du Seuil - collection Cadre Rouge
Parution : 17 août 2017
400 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Au milieu du XIXe siècle, un homme apparaît avec ses fils dans les montagnes du Liban. Il s’appelle Khanjar Jbeili, mais on le surnommera vite l’Empereur à pied. Il est venu pour fonder un domaine et forger sa propre légende. Sa filiation ne tarde pas à devenir l’une des plus illustres de la région. Mais cette prospérité a un prix. L'Empereur a, de son vivant, imposé une règle à tous ses descendants : un seul par génération sera autorisé à se marier et à avoir des enfants ; ses frères et sœurs, s’il en a, seront simplement appelés à l’assister dans la gestion des biens incalculables et sacrés du clan Jbeili. Serment, ou malédiction ? Du début du XXe siècle à nos jours, les descendants successifs auront à choisir entre libre-arbitre et respect de l’interdit. Ouverts au monde, ils voyageront du Mexique à la Chine, de la France de la Libération aux Balkans de la guerre froide, en passant par Naples, Rome et Venise, pourchassant des chimères, guettés sans cesse par l’ombre de la malédiction ancestrale. Jusqu’à ce que, revenu sur le sol natal, le dernier de la lignée des Jbeili rompe avec le passé et ses interdits, à l’aube du XXIe siècle. Mais à quel prix ?

Jabal Safié

 Ce que j'en ai pensé :

En 2015, Villa des femmes avait été un coup de cœur ! Je me souviens encore parfaitement de l'histoire et de l'ambiance de ce roman ! Autant dire que je démarrais ce nouveau roman avec des a priori très positifs !

Et évidemment, la magie a encore opéré ! Je me suis laissée emporter par cette saga libanaise, racontée du point de vue d'un narrateur omniscient qui, à coups de souvenirs ou de morceaux de légende, reconstitue l'épopée de cette dynastie sous le joug d'une conjuration/malédiction ancienne.

Ce narrateur, tour à tour lézard caché dans un muret, faucon rasant les toits au sommet du Jabal Safié, écoute les récits de ceux qui n'ont pas eu leur part de l’héritage familial et qui ont tenté de vivre ailleurs une aventure plus belle : Açi et Harb, puis Maan, Zeid...

Les cadets de la famille Jbeili, sans doute parce qu'ils savent très tôt que la légende de l'aïeul ne leur laissera rien, sont des rêveurs, des idéalistes, des "conquérants fantoches" qui vont courir le monde et, finalement, amasser un trésor mille fois plus précieux que l'héritage familial. Ils sont, pour chacun, une nouvelle légende dont on parle des rues de Beyrouth aux confins de la Chine, à la poursuite de chimères, d'un tableau disparu ou d'un guerrier mythique.

Par une narration poétique, enveloppante, l'auteur nous amène sur la montagne libanaise, offre une épopée familiale foisonnante et qui livre en creux un superbe regard sur le Liban. 

 Beyrouth

"Il n'y a rien de sûr dans aucune de ces histoires, ni dans aucune histoire.On bâtit nos vies et nos destins sur des socles fragiles, faits de blocs de réel maçonnés avec l'argile des légendes, retravaillés à partir d'arrangements avec la réalité."

Un loup pour l'homme - Brigitte GIRAUD

Editions Flammarion
Parution : 23 août 2017
250 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Printemps 1960.
Antoine est appelé pour l’Algérie au moment où Lila, sa toute jeune femme, est enceinte. Il demande à ne pas tenir une arme et se retrouve infirmier à l’hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès. Ce conflit, c’est à travers les récits que lui confient jour après jour les « soldats en pyjama » qu’il en mesure la férocité. Et puis il y a Oscar, amputé d’une jambe et enfermé dans un mutisme têtu, qui l’aimante étrangement. Avec lui, Antoine découvre la véritable raison d’être de sa présence ici : « prendre soin ». Rien ne saura le détourner de ce jeune caporal, qu’il va aider à tout réapprendre et dont il faudra entendre l’aveu. Pas même Lila, venue le rejoindre.
Dans ce roman tout à la fois épique et sensible, Brigitte Giraud raconte la guerre à hauteur d’un « appelé », Antoine, miroir intime d’une génération embarquée dans une histoire qui n’était pas la sienne. Ce faisant, c’est aussi la foi en la fraternité et le désir de sauver les hommes qu’elle met en scène.


Ce que j'en ai pensé : 
 
J'avais beaucoup aimé Nous serons des héros, lu il y a deux ans, et cette année deux belles découvertes de la rentrée littéraire (à découvrir ici)  m'ayant déjà entrainé en Algérie, j'avais envie de poursuivre le voyage.

J'ai retrouvé la belle plume de l'auteur, tout à la fois incisive (phrases courtes) et poétique (les descriptions de l'arrière-pays, mais aussi de la beauté d'Alger-la-Blanche, sont très évocatrices), mais aussi terriblement juste dans sa manière d'évoquer la peur et le désarroi de ces personnages auxquels on s'attache bien volontiers. 

Elle exprime avec force les difficiles relations entre les hommes (soldats français/rebelles algériens, population des villes/paysans bergers et démunis...) mais aussi entre hommes et femmes dans ce début des années 1960 encore marquées par la patriarcat (Lila est confrontée au refus de l'avortement) ou par les différences de culture.

 "Elle demande quelle différence entre Algériens, harkis et fellaghas. Qui sont les bons et les mauvais ? Est-ce qu’ils sont ennemis entre eux ? Elle est gênée de son ignorance. Elle a peur que cela ne recommence. Son mari et maintenant son fils. Elle dit que les informations à la radio ne sont pas claires. Quand elle interroge le père d’Antoine, il s’emporte. Et de Gaulle, est-ce qu’il l’a déjà vu ? Est-ce qu’on peut lui faire confiance ?"

Le roman, s'il n'évoque les combats et la rébellion que de manière feutrée, laisse une grande part à une nostalgie ambiguë : le casernement prend parfois des airs de colonie de vacances malgré les estropiés ou les morts dont devra s'occuper le héros.

On devine assez vite une grand part d'autobiographie dans ce livre, et sans doute pas mal de non-dits.

Quelques longueurs m'ont empêchée d'en faire un coup de cœur, mais j'ai encore une fois succombé avec plaisir au charme de la plume de Brigitte Giraud, et apprécié la dernière partie qui raconte l'histoire d'Oscar, le soldat amputé.

 "Avant d’embarquer, ils n’osent pas s’avouer qu’ils laissent en Algérie plus qu’un pays qu’ils n’ont pas eu le cran d’aimer, ils laissent tout ce qui fait un homme à vingt ans, et qu’ils ne retrouveront jamais."

Merci à Dimitri des Matchs de la Rentrée Littéraire 2017 chez Price Minister (et à Antigone pour cet excellent choix), ainsi qu'à Flammarion pour leur confiance !

L'art de perdre - Alice ZENITER

 
Editions Flammarion
Parution : 16 août 2017
512 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ?

Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?

Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.

Photo : Philip Jones
Ce que j'en ai pensé :

Je n'avais pas aimé Juste avant l'oubli, déçue par le manque de substance, mais j'ai décidé de donner une autre chance à Alice Zeniter, d'autant plus que le sujet de ce roman me plaisait beaucoup et que j'étais curieuse de découvrir quelle histoire elle pouvait conter.

Coup de cœur ! J'ai adoré ce livre qui prend très souvent des accents si sincères que l'aspect autobiographique ne pouvait être fortuit (quelques recherches m'ont confirmé que l'auteur est petite-fille de harkis, comme Naïma dans le roman).

C'est donc un bon pavé, une épopée familiale dense qui emporte le lecteur entre Algérie et France, du bled aux barres de HLM et qui pose la question de l'identité de ces enfants expatriés de force et qui se murent dans un silence protecteur. De ces aïeux pour qui le français restera une langue étrangère à leurs petits-enfants qui ne comprennent et ne parlent pas l'arabe...deux mondes qui se dissolvent dans une volonté d'intégration parfois mal maîtrisée et un impossible retour au pays. 

Il est toujours difficile de parler de l'Algérie, les polémiques enflent, les reproches fusent.Il a fallu attendre 2017 pour que soit évoqué un "crime contre l'humanité"...Mais ici, l'auteur a la délicatesse de s'affranchir d'un jugement, elle donne avec beaucoup de générosité et toutefois de la pudeur, à lire la vie de ces "migrants malgré eux" qui résonne assez étrangement dans notre actualité. Elle montre les choix douloureux, les ruptures, le silence et elle offre un regard détaché de politique ou de militantisme revanchard qui donne à cette grande fresque toute sa profondeur. Qu'aurions-nous fait à la place d'Ali le patriarche ?

C'est d'une très belle plume qu'Alice Zeniter fait défiler souvenirs heureux et amers, et fait se rencontrer histoire familiale et problèmes contemporains, sans jugements ni acrimonie... 

Une parfaite réussite ! (et j'espère, un prix littéraire !)

Prix Landerneau des Lecteurs
Prix littéraire du journal Le Monde
Prix des Libraires de Nancy- Le Point

en lice pour le prix Femina, pour le grand prix du roman de l’Académie française, mais aussi pour le Renaudot et le Goncourt !

Nos richesses - Kaouther ADIMI

Editions du Seuil
Parution : 17 août 2017
224 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

En 1935, Edmond Charlot a vingt ans et il rentre à Alger avec une seule idée en tête, prendre exemple sur Adrienne Monnier et sa librairie parisienne. Charlot le sait, sa vocation est de choisir, d'accoucher, de promouvoir de jeunes écrivains de la Méditerranée, sans distinction de langue ou de religion. Placée sous l'égide de Giono, sa minuscule librairie est baptisée Les Vraies Richesses. Et pour inaugurer son catalogue, il publie le premier texte d'un inconnu : Albert Camus. Charlot exulte, ignorant encore que vouer sa vie aux livres c'est aussi la sacrifier aux aléas de l'infortune et de l'Histoire.

En 2017, Ryad a le même âge que Charlot à ses débuts. Mais lui n'éprouve qu'indifférence pour la littérature. Étudiant à Paris, il est de passage à Alger avec la charge de repeindre un local poussiéreux, où les livres céderont bientôt la place à des beignets. Pourtant, vider ces lieux se révèle étrangement compliqué par la surveillance du vieil Abdallah, le gardien du temple.

Edmond Charlot
Ce que j'en ai pensé :

Une balade avec Camus dans les ruelles de la casbah d'Alger, une conversation avec Antoine de St Exupéry et un café avec Abdallah, son linceul sur les épaules, qui regarde avec résignation une librairie-bibliothèque-maison d'édition se transformer en snack qui vendra des beignets. 
Parce que la littérature aujourd’hui, tout le monde s'en fout, mais les beignets, au sucre, au chocolat ou à la confiture, ça fait gagner de l'argent ! 
Parce qu'il suffit d'un coup de peinture pour effacer la mémoire d'un lieu qui a vu défiler Camus et Giono, Emmanuel Roblès et Max-Pol Fouchet....



Kaouther Adimi fait défiler le Saint-Germain-des-Prés algérois, évoque l'ébullition artistique de ce côté de la Méditerranée, l'amitié, et surtout, dessine le portrait en creux de ceux qui ont perdu le goût de lire et de croire en la force des mots et de la poésie : un roman comme un portrait de nos mondes contemporains où le livre n'a plus le même symbole pour beaucoup, où (presque) tout le monde a oublié combien il peut être véhicule d'idées, de résistance et de ..bonheur !

Le roman est construit en alternant les chapitres consacrés au journal d'Edmond Charlot (ses débuts dans l'édition, ses projets de librairie, ses galères face au manque d'argent) et les chapitres liés à Ryad, hermétique à la littérature et qui n'a pour seul but que de nettoyer (débarrasser) la librairie algéroise. 
 

J'ai beaucoup aimé. 
J'ai savouré cette ode aux livres. 
Pourtant, ce n'est pas un coup de cœur : il m'a manqué quelque chose ! Sans doute aurais-je préféré m'attacher à la relation entre Ryad, qui n'aime pas les livres et est résolument "moderne", et Abdallah, le gardien du "temple" et de la mémoire, qui à lui-seul aurait pu retracer l'histoire de cette librairie hors du commun, et sans doute dire à quel point la littérature éloigne de l'obscurantisme et de la radicalisation de la pensée...

Une belle lecture qui ne m'a, en tout cas, pas laissée indifférente !

Nos années rouges - Anne-Sophie STEFANINI


Editions Gallimard - collection La Blanche
Parution :  9 mars 2017
192 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

À Paris, Catherine s’est battue avec ses amis communistes pour l’indépendance algérienne. En septembre 1962, elle se rend à Alger. Elle veut enseigner, aider le gouvernement de Ben Bella à bâtir un pays libre. Elle est grisée par l’inconnu, cette vie loin des siens : elle explore la ville chaque jour, sûre qu’ici tout est possible. C’est le temps des promesses : Alger devient sa ville, celle de sa jeunesse, de toutes ses initiations.
En 1965, Catherine est arrêtée par la Sécurité militaire : le coup d’État de Boumediene chasse du pouvoir Ben Bella. Catherine et ses amis sont interrogés. En prison, face à celui qui l’accuse, elle se souvient de ses élans politiques et amoureux, de ce qu’elle a choisi et de ce qu’elle n’a pas voulu voir. Qui étaient vraiment ces «pieds-rouges» dont Catherine faisait partie ? Quelle femme est-elle devenue ?

Anne-Sophie Stefanini est née en 1982. Elle vit à Paris. Elle est éditrice, passionnée depuis son plus jeune âge par l’Afrique. Vers la mer a reçu le Prix Goncourt du Premier Roman.
(Lycée Delacroix à Alger)

Ce que j'en ai pensé :

Si Catherine est communiste, elle ne fait que suivre la voie tracée par ses parents qui l'ont élevée dans une banlieue "rouge"...Sa mère, anarchiste, abandonne vite le foyer et Catherine grandit au milieu des tracts communistes, pourtant quand elle décide d'aller enseigner au Lycée français d'Alger, son père ne comprend pas son engagement.
Pour Catherine, Alger est un paradis. Si, au départ, elle est convaincue de mener une révolution aux côtés de ses amis communistes, les "pieds-rouges" (ceux, parmi les français, qui sont allés en Algérie après 1962), elle tombe vite amoureuse d'une ville, d'un mode de vie et ses propres envies révolutionnaires s'étiolent, se dilatent.

Arrêtée par la police du gouvernement, elle a du mal à expliquer comment elle a glissé d'un combat à une "adoption", comment elle est devenue plus algéroise que communiste...

Coup de cœur pour ce roman dont la narration impeccable, forte et amoureuse, m'a embarquée dans l'Alger post-coloniale, où Catherine, parfois confuse, parfois perdue, semble tout à coup une héroïne, pourtant ordinaire mais foncièrement attachée à la "ville blanche", Catherine qui admire Isabelle Eberhardt, suit ses traces, son engagement, sans s'en rendre compte, devenant autochtone, loin des luttes communistes...
J'ai adoré cette histoire et surtout la narration, entre nostalgie et sensibilit, ce phrasé lumineux, tantôt grave, tantôt léger. J'ai aimé comprendre comment Catherine, forte de convictions devenait une autre, ni tout à fait semblable, ni tout à fait différente, la manière avec laquelle elle analyse ses "lâchetés", comment elle s'éloigne de ce qu'on a pensé pour elle, à sa place.

Un roman magnifique ! 

Les ombres du désert - Parker BILAL

Editions Seuil Policiers
Parution : 2 février 2017
Titre original : The ghost runner
Traduction : Gérard de Chergé 
432 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Début 2002, peu après le 11 Septembre. Alors que les Israéliens assiègent Ramallah, une forte tension agite les rues du Caire, où Makana file tant bien que mal la Bentley de Me Ragab, que sa femme pressent d’adultère. En réalité, l’avocat va voir sa protégée, Karima, une jeune fille gravement brûlée dans l’incendie de son domicile. La police croit à un accident, il soupçonne un crime d’honneur commis par le père de la victime, un djihadiste en cavale. Makana se rend à Siwa, oasis à la lisière du désert libyen, pour se renseigner sur la famille de Karima, mais il s’y heurte à l’hostilité des autorités, qui appliquent la loi à leur manière et se méfient des étrangers. Pire, il est accusé de deux meurtres barbares qui l’éclairent sur une donnée majeure de l’équilibre local : la présence de gisements de gaz…

Parker Bilal est le pseudonyme de Jamal Mahjoub, Anglo-Soudanais également auteur de six romans non policiers. Né à Londres et diplômé en géologie de l’université de Sheffield, il a vécu au Caire, au Soudan, au Danemark et à Barcelone avant de s’établir à Amsterdam.
 
 la vieille ville dans l'oasis de Siwa (Ouest de l'Egypte)

Ce que j'en ai pensé :

Troisième enquête de Makana, l'ancien flic soudanais refugié politique en Egypte. Après les bas-fonds du Caire, le voila parti à l'ouest du pays, pas bien loin de la frontière lybienne, dans un coin reculé du désert où Alexandre le Grand fut conforté dans son statut de pharaon par un oracle.

Une vieille ville sur une colline, et à ses pieds, une cité où règnent comme partout en Egypte, la corruption et l'influence grandissante des djihadistes.
La galerie de portraits offerte dans ce roman va du médecin alcoolique au flic un peu pourri et dévoré par l'ambition (des classiques du genre), de pères incestueux au commerçant un peu trop prospère, du simplet au cadi (juge), ces deux derniers ayant un commun d'être sauvagement assassinés…

Mais ce qui se dessine dans ce polar, ce sont surtout des portraits de femmes : veuves misérables, gamines violées et asservies, femmes voilées et soumises, féministes en lutte contre la société ancestrale machiste. Des femmes que l'islam avilit, cache dans les niqabs : aucun jugement pourtant, juste un constat qui donne de la matière à ce polar plutôt réussi !