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L'arbre ou la maison - Azouz BEGAG

 

Editions Julliard

Parution : 19 août 2021

304 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Après des années d'absence et la mort de leur mère, deux frères lyonnais, Azouz l'écrivain et Samy l'arboriculteur, binationaux franco-algériens, décident de rentrer quelques jours à Sétif, le temps de nettoyer les tombes de leurs parents et de vérifier l'état de la maison familiale. Tandis que Samy bougonne à l'idée de remettre les pieds dans cette ville où il n'a plus de repères, Azouz est impatient d'assister à la révolution démocratique qui secoue le pays. Par-dessus tout, il espère retrouver Ryme, la femme qu'il aime depuis toujours, son cordon ombilical avec la terre de ses ancêtres. Mais à Sétif, Samy et Azouz ne reconnaissent plus rien, et aux yeux des locaux, ils sont devenus des étrangers, des bi. Quant à Ryme, l'amour de la liberté lui a donné des ailes, comme à son peuple. L'aura-t-elle attendu ? Il n'y a que le bel arbre planté par leur père devant la maison, un demi-siècle plus tôt, qui n'a pas changé de place. Mais il a tellement grandi que ses racines en menacent les fondations. Les deux frères se retrouvent ainsi face à un dilemme : garder l'arbre ou la maison. 

 

Ce que j'en ai pensé :

Que garde-t-on de ses racines ? Un legs matériel ou un héritage émotionnel ? 

Comment se construit-on quand on est enfant d'immigrés né dans un pays d'adoption ?

C'est ce à quoi semble s'attacher ce roman d'Azouz Begag, questionnant sur l'identité, les racines, l'attachement à un pays quand on est, comme lui, binational, un peu de "là-bas", un peu d'"ici"...

On serait tenté de ne voir que la parabole de l'arbre qui menace les fondations (les racines versus ce qu'on a construit) mais ce serait réducteur. Parce que l'Algérie que redécouvrent les deux frères n'est pas seulement le lieu originel de la famille, ni son possible attachement, elle est aussi un pays qui vacille, comme la maison (la raison ?) du narrateur, sur ses fondations, quand les "printemps arabes" redessinent le pouvoir.

C'est une double interrogation : se reconnaissent-ils dans ce pays qui a vu naître leurs parents et devait devenir leur Éden, ou en sont-ils éloignés, inexorablement, par une possible acculturation et par les les bouleversements politiques qu'ils ne comprennent pas toujours ?

Comment d'un voyage initiatique, d'un retour aux sources, peuvent-ils reconstruire leur propre identité ?

C'est avec beaucoup d'humour (avec parfois un détachement mi-feint) que l'auteur aborde ces problématiques, les ponctuant de situations parfois cocasses, parfois dramatiques, souvent ambivalentes.

C'est surtout sans préjugés qu'Azouz Begag replace la question de l'identité et des origines, dans ce roman plus malin, plus fin qu'il ne parait aux premiers abords.

Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions Julliard pour cette lecture très enrichissante.

Pieta - Daniel COLE

 

Editions Robert Laffont - Collection La bête noire

Traduction : Magali DUEZ

Parution : 1er juillet 2021

400 pages

 

Ce qu'en dit l'éditeur :

Londres, hiver 1989.

Un corps est retrouvé dans Hyde Park par la Metropolitan Police. La victime a gelé dans une position pour le moins inattendue : celle du Penseur de Rodin. Mais quelque chose cloche dans son regard : ce bleu intense, perçant…

Quelques jours plus tard, nouveau crime. Cette fois, ce sont les corps d'une mère et de son fils que l'on découvre, réplique exacte de la Pietà de Michel-Ange.
Londres va bientôt se transformer en musée macabre, mais personne ne le sait encore...

 

Ce que j'en ai pensé :

J'ai entamé ce polar en étant circonspecte, peu enthousiasmée par la mise en place de l'intrigue, par des personnages qui me laissaient de marbre : un policier taciturne et l'autre, jeune et inexpérimenté, forcés de faire équipe sur une enquête où se cumulent les erreurs de procédure. Et cet accident terrible qui clôt cette première partie et interroge sur ce qui pourrait advenir ensuite.

C'est donc au bout d'une centaine de pages, quand une nouvelle vague de meurtres apparaît 7 ans après la découverte des premiers macchabées qu'on retrouve nos deux pieds nickelés auxquels s'adjoint une jeune fliquette stagiaire à la dégaine gothique.

Le rythme change, les événements se précipitent et le polar devient addictif, assez malin pour titiller la curiosité bien que le meurtrier soit connu (parce que finalement, les deux flics branquignols sont plutôt perspicaces !).

J'ai apprécié les personnages auxquels l'auteur a donné une profondeur suffisante pour nous les rendre attachants (et sans tomber dans la caricature), noté la pointe d'humour british, aimé les références à la mythologie grecque (l'insertion de gravures est intéressante – mais je n'ai pas compris le changement de typographie dans certaines phrases).


Merci à Babelio Masse critique et aux éditions Robert Laffont pour ce bon moment de lecture et pour la découverte de cet auteur que je n'avais encore jamais lu.


La sirène, le marchand et la courtisane - Imogen HERMES GOWAR

 

Editions BELFOND

Parution : 4 mars 2021

528 pages



Ce qu'en dit l'éditeur :

Dans la lignée de Miniaturiste de Jessie Burton ou du Serpent de l'Essex de Sarah Perry, un premier roman éclatant de style et d'imagination ; un véritable cabinet de curiosités dans la bonne société londonienne du XVIIIe siècle, où le merveilleux côtoie l'ivresse et l'extravagance. Un soir de septembre 1785, on frappe à la porte du logis du marchand Hancock. Sur le seuil, le capitaine d'un de ses navires. L'homme dit avoir vendu son bateau pour un trésor : une créature fabuleuse, pêchée en mer de Chine. Une sirène.

Entre effroi et fascination, le Tout-Londres se presse pour voir la chimère. Et ce trésor va permettre à Mr Hancock d'entrer dans un monde de faste et de mondanités qui lui était jusqu'ici inaccessible.


Lors d'une de ces fêtes somptueuses, il fait la connaissance d'Angelica Neal, la femme la plus désirable qu'il ait jamais vue... et courtisane de grand talent. Entre le timide marchand et la belle scandaleuse se noue une relation complexe, qui va les précipiter l'un et l'autre dans une spirale dangereuse.

Car les pouvoirs de la sirène ne sont pas que légende. Aveuglés par l'orgueil et la convoitise, tous ceux qui s'en approchent pourraient bien basculer dans la folie... 

 

Ce que j'en ai pensé :

Certes, il y un air de Miniaturiste (pour le moins en ce qui concerne la "réclusion" de l'héroîne au sein d'une maison bourgeoise, mais c'est à peu près tout ce qu'on pourrait trouver comme point commun.)

Certes, pour un premier roman, c'est plutôt très bien écrit ( sauf si on exclut les phrases bancales (dûes à une traduction trop rapide ? ou les variations de prénom  Angelica est nommée "Angela" dans le même chapitre ?) .

Certes, la sirène est le point d'attraction de ce roman (si on aime le côté "imaginaire" ou fantastique du postulat).

Ça n'aurait pas suffi pour me charmer, MAIS j'ai aimé ce Londres demi-mondain, où les filles de joie rêvent de s'élever de ce monde de luxure et de débauche pour devenir "quelqu'un" , pour devenir respectable...

C'est donc ces aspects du roman que j'ai le plus aimés, et j'ai tout autant apprécié les personnalités d'Angelica, de Mr Hancock et de sa nièce, personnages intéressants, travaillés, convaincants.

Au fil des pages, j'ai fini par me laisser emporter par cette histoire, savourant la manière dont elle s'apparentait à un conte.

Et c'était plaisant;


Merci à Babelio Masse critique et aux éditions Belfond pour cette lecture.

Le Palais des Orties - Marie NIMIER

 

 

Editions Gallimard - collection La blanche

Parution : 20/08/2020

272 pages

 

Ce qu'en dit l'éditeur :

 Quelque part en France, une campagne modeste, un peu défigurée. Au fond d’une vallée, à quelques kilomètres d’un village, des hangars recouverts de tôles mangées par la rouille, une ferme où tout serait à reconstruire. Autour, des champs d’orties.

Nora et Simon vivent là avec leurs deux enfants. Ce n’est au départ ni un choix ni un rêve. Ils gagnent leur vie avec une plante que tout le monde arrache. L’ambiance est gaie, plutôt. On se serre les coudes. On est loin du bon vieux temps, loin des exploitations à grande échelle, loin de l’agriculture bio et raisonnée. C’est la débrouille.

Et puis, un jour, arrive une jeune fille avec son sac à dos. Frederica. Fred fait du woofing. Contre le gîte et le couvert, elle offre ses bras.
Le Palais des Orties est un roman d’amour et de métamorphoses, le récit d’une passion brûlante.  

 

Ce que j'en ai pensé :

C'est Frederica qui arrive un jour trop tôt dans l'exploitation de Nora et Simon, qui va bouleverser la vie de ce couple reconverti dans l'agriculture, qui va d'abord semer la joie, puis le trouble, avant de provoquer un cataclysme au sein de la famille...

Le palais des orties, c'est l'histoire de cet amour inédit, interdit, de ces émotions féminines, des non-dits, des sentiments qui oscillent entre tendresse et violence.

Je n'avais pas lu Marie Nimier depuis "La girafe", mais ce roman m'a charmée. J'en ai aimé la langue, le style, les personnages (ceux en arrière-plan ne sont pas négligés !). J'ai aimé aussi la délicatesse de l'auteur, son intelligence à nous donner à lire cette histoire sans préjugés, sans abrupts, sa manière d'instiller la tension, de nouer l'intrigue dans une atmosphère qui aurait pu être plus lourde..

J'ai donc, vous l'avez deviné, beaucoup aimé ! Et je remercie Babelio et les Editions Gallimard pour leur confiance.

 

Un jour d'été que rien ne distinguait - Stéphanie CHAILLOU




Editions Noir sur Blanc – Collection Noctabilia
Parution : 5 mars 2020
144 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Guidée par un attachement farouche à sa liberté, rebelle à toute forme de domination, Louise est à la recherche de ce qu’elle va devenir. Elle se cogne, elle bute, elle expérimente, mais elle ne lâche pas. Elle poursuit sa quête jusqu’à ce jour d’été que rien ne distinguait… où un événement survient dans sa vie, une rencontre qu’elle attendait depuis longtemps.

Ce j'en ai pensé :

Une enfance au bord de la pauvreté, bercée de silences, où la vie des adultes ne fait pas rêver, où la place des femmes n’est guère enviable. C’est le lot de Louise dont les parents sont criblés de dettes et qui se jure de ne jamais leur ressembler.

Plus encore, elle en vient à ne pas souhaiter être une fille, pour ne pas être cantonnée dans un rôle qui ne la satisfait pas. Une vie qu’elle voudrait « sans genre » et qui pourtant ne lui apporte que solitude et tristesse.

Si l’écriture de Stéphanie Chaillou est ciselée, je n’ai ressenti aucune empathie pour Louise, personnage qui, selon moi, se désincarne progressivement au fil de l’histoire en accomplissant son serment de ne vouloir pas ressembler aux siens ni répondre au destin qui pourrait l’attendre. 
 
Je n’ai sans doute pas apprécié à sa juste valeur la métaphore de la jeune fille au bord de la Garonne, je n’ai pas eu la certitude qu’elle incarnait un espoir ou un « soutien » à la solitude de Louise.

J’ai beaucoup aimé le style de ce roman mais j’ai l’impression confuse d’être passée à côté de son sens profond.

Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions Noir sur Blanc pour leur confiance.


Les bonnes âmes de Sarah Court - Craig DAVIDSON

Editions Albin Michel - Collection Terres d'Amérique
Parution : 30 octobre 2019
Titre original : Sarah Court
Traduction : Eric Fontaine
336 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Sarah Court est un morne lotissement au nord de Niagara Falls, Ontario. Cinq familles, cinq maisons dont les habitants semblent se fondre dans la grisaille du décor… jusqu’à ce que la plume de Craig Davidson en révèle toute l’étrangeté. Apparaissent alors un batelier chargé de repêcher les noyés au pied des célèbres chutes ; un cascadeur au corps brisé à force de chercher le danger ; un neurochirurgien alcoolique en disgrâce ; un boxeur raté et son fils obèse qui se rêve vampire ou momie ; une adepte du vol à l’étalage aux fantasmes de maternité, ou encore le fils orphelin d’une fumeuse de crack, devenu fabricant de feux d’artifice et criminel à ses heures…
Connaît-on vraiment ses voisins ? Et sa propre famille ? Dans ce livre à la frontière des genres, l’auteur d’
Un goût de rouille et d’os nous invite à une troublante exploration des âmes.

Ce que j'en ai pensé : 

A chaque chapitre, sa teinte noire (eau, poudre, boîte, carte, tache), à chaque chapitre ses personnages, un peu déglingués, recalés de la société, un peu glauques et blindés de névroses.

J'avais beaucoup aimé la nouvelle "Un goût de rouille et d'os" parue dans le recueil "20+1 nouvelles" en 2016, mais là bizarrement, s'il y a des choses que j'ai aimées, j'ai mis un peu de distance entre ces personnages et moi, et j'ai eu un peu de mal à finir ma lecture...

Sarah court, c'est un lotissement, comme en trouve partout, maisons à l'identique, zone péri-urbaine, où tout le monde connait (épie ?) tout le monde, et le niveau social s'assortit à l'état du crépi !! 

Il m'a manqué quelque chose pour m'enthousiasmer, mais je n'étais peut-être pas dans le meilleur état d'esprit pour aborder ce roman, pour rencontrer des personnages presque "tristes" dans un environnement qui ne l'est pas moins...
Je n'ai pas ressenti d'empathie mais  certains personnages ont retenu mon attention (dont Patience Nanavatti), il faudra sans doute que je leur consacre un peu plus de temps en relisant ce roman dans quelques mois ?

Merci à Babelio et aux Editions Albin Michel pour cette lecture !



 

Ah, les braves gens ! - Franz BARTELT

Editions du Seuil - Collection Cadre Noir
Parution : 3 octobre 2019
288 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

À Puffigny – un village ou, plutôt, « un gros bourg tellement perdu au fin fond de la France profonde que les cartographes n’ont même jamais vraiment pu le situer avec exactitude » –, les habitants sont renommés pour être tous plus menteurs les uns que les autres. Difficile d’espérer y mener une enquête. C’est pourtant ce que va tenter Julius Dump, un peu rentier, beaucoup écrivain médiocre, parti sur les traces de son père disparu et d’un mystérieux butin. Car toutes les pistes mènent à Puffigny. Mais où exactement ? Et comment trouver des réponses dans un village où chacun semble vivre au jour le jour, le nez en l’air et le verbe éclatant ? Julius n’a peut-être pas tout à fait mis les pieds dans un village de fous, mais ça y ressemble beaucoup. Matière à roman ? Et comment !

Ce que j'en ai pensé :

Ah comme je me réjouissais de retrouver la plume foldingue de Franz Bartelt ! Son humour grinçant, ses influences San-Antonio-esques voire Tontons Flingueurs-esques !! 

Je trépignais depuis "Hôtel du Grand Cerf", j'avais très envie de retrouver un polar qui dézingue les codes du polar, qui joue avec une intrigue qui tient la route (malgré tout !) et des personnages hauts en couleurs !

Et là, rien qu'avec les patronymes absolument improbables qui s'alignent (Polnabébé, Julius Dump, Myrtille Briochard, Bouillanne Lassalle, Zouave Gambier...) le lecteur sait qu'il part ailleurs..au fond de la campagne, au milieu de nulle part, où il ne se passe jamais RIEN !

Pourtant, il y a un drôle de type qui rôde, une jeune femme qui disparait, un tableau très recherché, une folle qui trimballe un landeau, un papi à motocyclette et une cadillac jaune.

C'est drôlatique, ça tient le rythme, c'est aussi très cinématographique et ça se déguste comme une bonne bière (dans ce polar, elle coule à flots !).
Un très bon moment passé entre ces pages et un auteur à suivre !!


Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions du Seuil pour leur confiance !

Boy Diola - Yancouba DIÉMÉ

Editions Flammarion
Parution : 28 août 2019
192 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

« Boy Diola », c’est ainsi qu’on appelait le villageois de Casamance venu à Dakar pour trouver du travail. Ce villageois, c’est toi, mon père, Apéraw en diola. À force de côtoyer de trop près la souffrance, tu as décidé de partir. Pendant des mois, tu t’es rendu au port jusqu’à ce que ton tour arrive, un matin de 1969. Tu as laissé derrière toi les histoires racontées autour du feu, les animaux de la brousse, les arachides cultivées toute ta jeunesse. De ce voyage tu ne dis rien. Ensuite, tout s’enchaîne très vite. L’arrivée à Marseille, l’installation à Aulnay-sous-Bois, la vie d’ouvrier chez Citroën, le licenciement, la débrouille.

Odyssée depuis le fin fond de l’Afrique jusqu’aux quartiers populaires de la banlieue parisienne, Boy Diola met en scène, avec une pointe d’humour et beaucoup d’émotion, cet homme partagé entre deux mondes et donne ainsi corps et voix à ceux que l’on n’entend pas.

Ce que j'en ai pensé :

"Boy Diola", c'est l'histoire de l'Afrique. Celle qui souffre, qui meurt de faim, qui rêve d'ailleurs, qui est prête à tous les sacrifices pour sauver sa vie et qui tient sa tête haute parce que l'honneur, c'est important.

C'est l'histoire d'Apéraw, d'un voyage vers un monde imaginé meilleur, et d'une vie, pas tendre, pas drôle, faite de renoncements et pourtant digne, fière. C'est un homme qui construit l'avenir de ses enfants, qui leur apprend la patience et aussi l'humilité, le travail et la tristesse du déracinement, et cette manière unique de mêler traditions ancestrales et adaptation à la vie occidentale...

Ce premier roman rend un hommage au père, à la figure patriarcale dans tout ce qu'elle a de noble et dans toute la force qu'elle peut apporter aux enfants. C'est aussi un instantané social, le récit de l'immigration, de cette résilience dont sont capables ceux qui quittent tout chez eux dans l'espoir de meilleurs lendemains.


Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions Flammarion pour cette lecture en avant-première et pour la découverte de ce jeune talent qu'il faudra suivre !

Tout ce que nous allons savoir - Donal RYAN

Editions Albin Michel
Parution : 27 mars 2019
Titre original : All we shall know
Traduction : Marie Hermet
288 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

« Martin Toppy est le fils d’un homme célèbre chez les gens du voyage et le père de mon enfant à naître. Il a dix-sept ans, j’en ai trente-trois. J’étais son professeur particulier. » 

C’est sur ces mots que s’ouvre le nouveau roman de Donal Ryan. Melody Shee est enceinte de douze semaines lorsqu’elle entreprend l’écriture d’un journal. Hantée par son mariage toxique avec un homme qui l’a quittée en apprenant la vérité sur l’enfant à naître, par le souvenir d’une mère inaccessible et de l’amie d’enfance qu’elle a trahie, Melody doit faire face seule à ses démons. Jusqu'à ce qu'une jeune femme énigmatique entre dans sa vie… 

Ce que j'en ai pensé :

J'avais beaucoup aimé "Le cœur qui tourne" en 2015 puis "Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe " (coup de cœur en 2017), je me réjouissais de lire ce nouveau roman de Donal RYAN.

J'ai retrouvé avec le plus grand plaisir une écriture forte et poétique, qui ici prend de l'ampleur, dans une narration parfois effrénée. Il y a tout ce qu'on imagine de l'Irlande dans ce roman qui raconte le destin de deux femmes que presque tout pourrait opposer.

L'une, Melody, adultère, qui porte l'enfant d'un jeune homme qu'elle n'aurait pas dû rencontrer (ni séduire !) et l'autre, Mary, mise à l'écart de sa communauté de gens du voyage parce qu'elle est stérile et que cela discrédité sa famille et le mariage arrangé prévu pour elle.

Deux personnalités étonnantes auxquelles  je ne me suis que peu attachée pourtant, leur préférant le père de Melody et Pat, le mari trompé, dans toute sa détresse.
J'ai aimé cet instantané (les 28 dernières semaines de  la grossesse de Melody) de l'Irlande et de la vie des gens du voyage, et la façon dont l'auteur décrit les relations amoureuses.

Merci à Babelio Masse Critique et aux Editions Albin Michel pour ce très bon roman qui confirme tout le talent de Donal Ryan. 

 

Chien-loup - Serge JONCOUR

Editions Flammarion
Parution : 22 août 2018
480 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

L’idée de passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecœur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n’habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c’était en arrivant.

Serge Joncour raconte l’histoire, à un siècle de distance, d’un village du Lot, et c’est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu’il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au cœur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.


Ce que j'en ai pensé :

L'homme est un loup pour l'homme. Il en faut parfois peu pour que la violence le gagne et lui fasse perdre raison, pour que la bestialité prenne le dessus. 

Et on sent, dès les premières pages, que ces terres perdues au fond du Lot, coupées du monde, vont être le décor idéal pour laisser à la sauvagerie toute latitude.

Elle va d'abord se matérialiser par l'apparition d'un chien sauvage, sans collier et sans maître, qui traîne aux abords de la maison, puis se dessiner dans le souvenir de ces fauves d'un cirque réfugiés sur la colline avec leur dresseur et enfin, éclater dans la rancoeur de Franck envers ses jeunes associés.
L'homme est tour à tour un "jeune loup" conquérant, un boucher, un chasseur, un geôlier...

Et les femmes ? Elles apparaissent comme les seules capables de lutter contre la part animale et brutale des hommes, communiant avec la nature, s'adaptant à cet environnement hostile (Lise), ou composant avec la sensualité et la mort (Joséphine), tempérant la colère et la cruauté.

La  superposition des deux époques de narration (la guerre de 14-18 / notre époque) multiplie les parallèles, développe le thème de la sauvagerie en miroir.

Serge Joncour montre ici à quel point il est dans son élément, jonglant entre situations tendues et humour, entretenant le suspens au milieu d'une nature tantôt créatrice de paix, tantôt génératrice d'angoisse. Ça bruisse, c'est dense, inquiétant, c'est, d'une certaine manière, une autre forme de sauvagerie.

J'aurais pu lire 100 pages de plus tant ce nouveau roman m'a séduite, tant dans sa narration, riche et savoureuse, que pour cette histoire que j'ai aimé ! 

Une parfait réussite !

Merci aux Editions Flammarion et à Babelio pour cette lecture en avant-première !


Une autre histoire - Sarah J. NAUGHTON

Editions Sonatine
Parution : 8 mars 2018
Titre original : Tattletale
Traduction : Pierre Szczeciner
416 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Elevée par un père violent et une mère soumise, Mags a fui l’Angleterre dès qu’elle a pu pour devenir une brillante avocate à Las Vegas. Lorsqu’elle apprend que son jeune frère, Abe, a été victime d’un accident et se trouve dans le coma, elle revient pour la première fois depuis longtemps à Londres. Là, elle a la surprise de rencontrer sa petite amie, Jody, dont il ne lui avait jamais parlé. Elle est plus surprise encore quand Jody, inconsolable, lui révèle qu’il ne s’agit pas d’un accident mais d’un suicide. Dépressif, Abe s’est jeté par la fenêtre. Peu à peu, la version officielle semble néanmoins présenter d’étranges incohérences. Jody dit-elle toute la vérité ? Était-elle vraiment la petite amie d’Abe ou une experte en manipulation ?
À ce stade du résumé, votre opinion est sans doute déjà faite. Jody est coupable, elle a d’une façon ou d’une autre participé à la chute d’Abe, Mags va découvrir la vérité. C’est du tout cuit : un thriller de plus parmi tant d’autres. Eh bien, détrompez-vous. Si les apparences sont en effet trompeuses, vous n’imaginez pas à quel point. Vous êtes surtout loin de vous douter avec quelle maestria Sarah Naughton vous manipule.
Vous croyez lire une histoire et c’en est une autre, bien plus captivante, 


Ce que j'en ai pensé :

Accident, meurtre ou suicide ? Toutes les hypothèses sont plausibles (et le restent presque jusqu'à la fin).

Un quartier pourri de Londres, un immeuble rempli de cas sociaux et de psychotiques, un jeune homme qui fait un vol plané du 4ème étage d'une ancienne église reconvertie en logements sociaux pour s'écraser au rez-de-chaussée et sa sœur, une avocate tenace, pas franchement sympathique qui mène l'enquête...

Des fausses pistes et  des certitudes,  pour finir sur un "twist" un peu bancal...

Je n'ai pas été convaincue, j'ai trouvé pas mal de qualités à ce premier roman mais aussi un bon lot de défauts. 

Les personnages, souvent caricaturaux : l'avocate aux dents longues et sans cœur, l'homo amoureux, la femme musulmane soumise, l'ex-junkie, l'ancienne star de cinéma, le rugbyman sûr de ses muscles mais sans cervelle... 
Sans compter que l'avocate se fait surnommer "Marie Madeleine", que le frère suicidé se prénomme Abraham  et que leur père est décrit comme un fondamentaliste chrétien ! Doux Jésus !! que de clichés !
Sans compter non plus que, pas une fois, je n'ai cru à la culpabilité de Jodi la voisine, supposée petite amie du défunt...

Et puis, si l'intrigue tient le fil et que l'ensemble se lit bien, j'ai été heurtée, un peu, sur l'espèce de grossophobie ambiante  : le vieil obèse, la grosse assistante sociale, la femme très enveloppée, représentés comme des problématiques à eux-seuls...alors que l'avocate est jeune, belle et forcément mince ! Tous les personnages secondaires ou dont la moralité est douteuse sont des personnes en surpoids ! 

Sans compter que ça se double d'une sorte de mépris condescendant envers les homosexuels, et là je me dis que le traducteur a dû bien galérer pour évoquer "cette vieille folle" (il s'agit, vous l'aurez compris d'un mec !).
 
Pas mauvais mais pas non plus convaincant, ce polar ! 
Ça donne l'impression (par les superposition de chapitres courts, par le côté "choral" et les passages en italique qui ramènent au passé -super traumatisant-, par l'aspect très -trop- cinéma de l'ensemble) que l'auteur a bien suivi les cours de creative writing de son université, section "how to thrill a novel"....

Merci à Babelio et aux Editions Sonatine pour cette lecture ! 


Laisse tomber les filles - Gérard de CORTANZE

Editions Albin Michel
Parution : 3 janvier 2018
448 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

Le 22 juin 1963 à Paris, quatre adolescents assistent, place de la Nation, au concert donné à l'occasion du premier anniversaire de Salut les copains. Trois garçons : François, rocker au cœur tendre, tenté par les substances hallucinogènes ; Antoine, fils d'ouvrier qui ne jure que par Jean Ferrat ; Lorenzo, l'intellectuel, fou de cinéma et champion de 800 mètres.
Une fille : Michèle, dont tous trois sont amoureux, fée clochette merveilleuse, pourvoyeuse de rêve et féministe en herbe.
Commencé au cœur des Trente Glorieuses et se clôturant sur la « marche républicaine » du 11 janvier 2015, ce livre pétri d'humanité, virevoltant, joyeux, raconte, au son des guitares et sur des pas de twist, l'histoire de ces baby-boomers devenus soixante-huitards, fougueux, idéalistes, refusant de se résigner au monde tel qu'il est, et convaincus qu'ils pouvaient le rendre meilleur. 


Ce que j'en ai pensé :


Je me réjouissais. Johnny Hallyday, star des yé-yés, tout juste enterré et un roman qui danse le twist autour de la génération de mes parents, les Trente Glorieuses, le plein emploi, Mai 68 qui approche...

Trois garçons qui finissent par se rencontrer presque par hasard, juste parce qu'à un moment de leurs vies d'adolescents ils ont rencontré la même fille, "terrible" et qu'au lieu de les séparer, ça va leur donner l'occasion de se rapprocher, de former une petite bande qui va se souder, se dessouder au fil des années.

Sauf que...

Décidément, même avec la meilleure volonté, et avec le plus d'enthousiasme dont je suis capable...je n'ai pas aimé !

Je n'ai pas aimé ce roman qui ne manifeste ni émoi ni émotion, qui raconte les années 60 sur plus de 250 pages, pour ensuite couvrir les 52 années suivantes à toute vitesse), qui évoque sans qu'on les rencontre vraiment quatre ados sympas mais dont les caractères sont finalement à peine ébauchés...

Je n'ai pas aimé cette surenchère de titres de chansons mentionnés comme "caution" d'une époque (on a droit à presque tout le répertoire des yéyés, puis des Beatles, etc...) :

"Et Antoine ? Il dévore "La collectionneuse" bercé par la voix de Nino Ferrer qu'il considère comme le meilleur chanteur du moment : "Mirza", "Les cornichons", "Oh ! Hé ! Hein ! Bon !"

Je n'ai pas aimé cette narration entrecoupée de statistiques et de données sociétales :

"De quoi danser toute la soirée, aller s'embrasser avec les parents quand sonnent les douze coups de minuit et vite remonter dans la chambre, laissant les adultes à leurs souvenirs d'anciens combattants et à leurs discussions sur le prix de la baguette de pain passé à 0.44 franc et de la redevance radio-télé désormais à 25 francs." 

et aussi :

" - Et tu lui offriras une bague en diamants ?
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce qu'il paraît que plus de 55% des Françaises reçoivent une bague en diamants pour leurs fiançailles." 

C'est quand même une scène où deux ados flirtent...et je vous épargne tous ces passages romanesques où s'immiscent des statistiques, des considérations socio-économiques posées là comme un cheveu sur la soupe :

" François s'est acheté une nouvelle guitare. C'est un marginal bourré de contradictions...Il n'est pas le seul. Malgré son coût oscillant entre 250 et 600 francs, plus d'un million de jeunes en possèdent une et cinquante mille groupes ont été créés."

Grosse déception pour moi. 
 
Je croyais lire un roman et ma lecture a été polluée en continu par ces digressions, statistiques, qui interrompent l'intrigue, nuisent à la fluidité du texte et donnent l'impression au lecteur qu'il est un peu ignorant de son histoire proche.

Un peu comme si ce "roman" ne devait s'adresser qu'à un public qui n'a pas de souvenirs.

 ("Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître..." Aznavour)

Merci à Babelio et aux Editions Albin Michel pour leur confiance et pour cette lecture en avant-première


L'étoile du matin - Largo Winch #21 - Philippe FRANCQ & Eric GIACOMETTI

Editions Dupuis
Parution : 6 octobre 2017
48 pages


Ce qu'en dit l'éditeur :

New-York. Les valeurs du Dow Jones sont en chute libre, provoquant une perte de plus de 1000 milliards de dollars, avant de subir une remontée tout aussi spectaculaire. Tous les regards se tournent aussitôt vers Mary Striker, tradeuse pour le Groupe Winch, considérée responsable de ce qui apparaît comme une manipulation de cours sans précédent sur lequel le FBI et la SEC s'empressent d'enquêter.

Yucatan. Cet incident n'est pas fait pour arranger les affaires de Largo. Il ignore encore ces faits lorsqu'il se présente au forum de Talos en compagnie de Cathy Blackman afin de lever des fonds pour la Winch Fondation for War Children. Ces soudaines accusations, que de véhémentes manifestations enveniment, surviennent alors qu'il se prépare à prendre de lourdes décisions pour l'avenir de son Groupe.

De Saint Pétersbourg à Tulum. Largo affronte un nouveau péril : les maitres occultes de la finance internationale. Aux commandes de cette histoire, un nouveau tandem : Philippe Francq dont la maitrise graphique est plus époustouflante que jamais, et Éric Giacometti qui relève brillamment le défi de succéder au scénario, à l'immense Jean Van Hamme.

Ce que j'en ai pensé :

Giacometti au scénario, voila qui ne pouvait que me plaire tant j'apprécie la qualité des polars qu'il co-écrit avec Ravenne.

Cette nouvelle aventure de Largo ne pouvait qu'être très nerveuse et résolument moderne. le rythme est rapide dès les premières vignettes, et l'intrigue prend place dans un imbroglio boursier surprenant : que cache cette dégringolade du Dow Jones suivie d'une remontée stupéfiante ? 
 
Ce tome plonge une nouvelle fois dans les arcanes de la finance et alterne scènes urbaines et dépaysement entre Mexique et Russie.

Diablement efficace, cette nouvelle aventure de LW, servie par un dessin soigné (et des cadrages dynamiques), par des dialogues incisifs, maintient le suspens jusqu'à la dernière page.
 
Une réussite ! 


NB : je n'ai pas l'habitude d'écrire des billets BD, mais je remercie Babelio et Dupuis pour leur confiance et pour cette lecture dans le cadre des opérations Masse Critique !

 

Nulle part sur la terre - Michaël FARRIS SMITH



Editions Sonatine
Parution : 24 août 2017
Titre original : Desperation Road
Traduction : Pierre Demarty
400 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.
Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l’attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil. 

Né dans le Mississippi (USA), Michael Farris Smith est nouvelliste et romancier.  Nulle part sur la terre est son deuxième roman, après Une pluie sans fin. 

Ce que j'en ai pensé :

Maben et sa gamine, Annalee, paumées, sur la route, pour fuir un sale destin.
Russel qui sort de prison et qui compte refaire sa vie, avec ou sans Sarah, sa fiancée avant qu'il ne soit incarcéré.
Larry et Walt, deux frères, tendus de haine et de douleur.
Boyd le flic qui doit enquêter sur la mort d'un collègue. 
 
Et, presque comme un chemin d'espoir, la route qui mène à la rédemption...surtout pour ceux qui n'ont rien à perdre, et imaginent n'avoir (presque) plus rien à prouver.

C'est un roman qui déroule les classiques du noir américain, les bons et les méchants face à face, une pincée de foi et de sexe. Mais c'est réussi !
L'intrigue se tisse peu à peu, entremêlant des personnages auxquels on s'attache, pour leurs blessures mais aussi pour ce qu'il porte en eux d'une certaine candeur (quand tout va mal, est-ce que ça ne pourrait pas aller mieux ?).

De belles personnes face à deux brutes rancunières, c'est parfois un peu brutal, et c'est donc franchement bon !


Merci à Babelio et aux Editions Sonatine pour leur confiance ! Je me suis régalée avec ce très bon roman qui fait partie de la sélection du Prix des Lectrices Elle et qui a été choisi par le jury d'octobre (bravo !)