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Cinq cartes brûlées - Sophie LOUBIERE

 

Editions Fleuve Noir

Prix Landerneau Polar 2020

Parution : 16 janvier 2020

352 pages



Ce qu'en dit l'éditeur :

Laurence Graissac grandit aux côtés de son frère, Thierry, qui prend toujours un malin plaisir à la harceler et à l'humilier. Du pavillon sinistre de son enfance à Saint-Flour, elle garde des blessures à vif, comme les signes d'une existence balayée par le destin. Mais Laurence a bien l'intention de devenir la femme qu'elle ne s'est jamais autorisée à être, quel qu'en soit le prix à payer. Le jour où le discret docteur Bashert, en proie à une addiction au jeu, croise sa route, la donne pourrait enfin changer...

Thriller psychologique d'une rare intensité, Cinq cartes brûlées va vous plonger au cœur de la manipulation mentale. De celle dont on ne revient jamais indemne. 

 

Ce que j'en ai pensé :

Harcèlement moral, soupçons d'inceste, liens familiaux, sénilité précoce, abus sexuels dans le sport, addictions au jeu, précarité, prostitution, troubles alimentaires et obésité...Avouons là qu'il y a dans ce polar pas mal de thèmes d'actualité, de "matière"...Bien trop !

Et, malgré une narration relativement rythmée qui alterne les points de vue (lecteur omniscient/pensées intimes de l'héroïne/articles de journaux), l'ensemble ne m'a pas convaincue. 

Je n'ai ressenti aucune empathie pour ce personnage principal de pauvre grosse fille malmenée par la vie (parce que le cumul de "mauvaises cartes" depuis l'enfance, la surenchère, m'ont parus excessifs et finalement peu crédibles - même si les faits divers  sont pleins d'histoires semblables) ni par aucun autre des portraits dessinés dans ce thriller. J'ai même été agacée par la caricature qui pointe dans les patronymes utilisés : une fille obèse nommée GRAISSAC ("sac de graisse" ?) et un Dr BOUDINE, c'est une facilité grotesque, un raccourci sans intérêt ! Et puis, les passages racontant les goinfrages incessants de Lolotte, les semi-remorques de Nutella et de camembert, ont achevé de me « gaver » (ah ah!) et « alourdissent » (re- ah ah!) la narration...

Bref, abandon aux 2/3 du livre parce que j'ai persisté à croire que ça valait le coup de s'accrocher, mais la déception a été à la mesure de mon agacement, ENORME !

Au suivant !


Trois fois la fin du monde - Sophie DIVRY

Editions Noir sur Blanc / Notabilia
Parution : 23 août 2018
240 pages

Ce qu'en dit l'éditeur :

 Après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s’adapter. Il voudrait que ce cauchemar s’arrête. Une explosion nucléaire lui permet d’échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s’installe dans une ferme désertée. Là, le temps s’arrête, il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au cœur d’une nature qui le fascine.

 Trois fois la fin du monde est une expérience de pensée, une ode envoûtante à la nature, l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu’à la folie dans son îlot mental. Une force poétique remarquable, une tension permanente et une justesse psychologique saisissante rendent ce roman crépusculaire impressionnant de maîtrise.
  
« Au bout d’un temps infini, le greffier dit que c’est bon, tout est en règle, que la fouille est terminée. Il ôte ses gants et les jette avec répugnance dans une corbeille. Je peux enfin cacher ma nudité. Mais je ne rhabille plus le même homme qu’une heure auparavant. »

Ce que j'en ai pensé :

 Etonnante narration qui passe du "je" au "il" et qui déroule un morceau de vie d'un homme confronté à la solitude.
Solitude familiale (sa mère est morte et son frère s'est fait descendre lors du braquage d'une bijouterie), solitude sociale entre les murs d'une prison qui le dévorent tout entier, solitude dans un monde apocalyptique après la catastrophe nucléaire, solitude psychologique de l'ermite ou du misanthrope...
Solitude et besoin de contacts, capter une station de radio, domestiquer un bélier errant, retrouver le plaisir du contact avec Fine, la chatte rousse, et ses bébés.

Et la descente aux enfers dans un paradis de solitude, loin des hommes, une liberté comme une prison qui enrobe tout d'une poix grise, qui part un jour en fumée.
Trois fois la tragédie, trois fois la fin du monde, trois fois la renaissance aussi...

Malgré les étrangetés de la narration (et le bémol que j'émets sur l'utilisation du langage de banlieue pour transcrire les pensées ou les paroles de Joseph, et qui m'a semblé un peu artificiel et non indispensable), et du contexte (cette apocalypse nucléaire qui marque une frontière de contamination entre Nantes et Besançon et qui parait arriver un peu comme un cheveu sur la soupe et ne parait pas très crédible -un gêne immuniserait certains des radiations), j'ai beaucoup aimé la plume poétique de l'auteur (et ses descriptions de tous les verts de la nature, des oiseaux...) et le destin particulier de ce "Robinson" des temps modernes.

Un roman étonnant, à plus d'un titre !


Tenir jusqu'à l'aube - Carole FIVES


Editions Gallimard - Collection L'arbalète
Parution : 16 aôut 2018
192 pages

Finaliste du Prix Landerneau des Lecteurs 2018


Ce qu'en dit l'éditeur :

«Et l'enfant ?

Il dort, il dort.

Que peut-il faire d'autre ?»

Une jeune mère célibataire s'occupe de son fils de deux ans. Du matin au soir, sans crèche, sans famille à proximité, sans budget pour une baby-sitter, ils vivent une relation fusionnelle. Pour échapper à l'étouffement, la mère s'autorise à fuguer certaines nuits. À quelques mètres de l'appartement d'abord, puis toujours un peu plus loin, toujours un peu plus tard, à la poursuite d'un semblant de légèreté.
Comme la chèvre de Monsieur Seguin, elle tire sur la corde, mais pour combien de temps encore?
On retrouve, dans ce nouveau livre, l'écriture vive et le regard aiguisé de Carole Fives, fine portraitiste de la famille contemporaine. 


Ce que j'en ai pensé : 

Voila un roman vers lequel je ne serai pas allée spontanément ! Dans le quatuor final du Prix Landerneau des Lecteurs 2018, il tombe pile au moment où se profile une petite panne de lecture, et son format léger me plait bien.

Sauf que ça n'est, au final, pas si léger que ça !

C'est d'abord une critique nuancée et intelligente d'une société nombriliste où chacun vit pour soi, où chacun JUGE...

Mauvaise mère que celle qui voudrait seulement respirer un peu,  ne plus subir H24 son vampire-enfant, qui voudrait retrouver une vie normale sans les contraintes de l'otite de bébé-chéri qui empêche toute vie sociale ou professionnelle, qui galère financièrement et s'endette pour satisfaire son enfant, qui subit le regard désapprobateur des autres, les voisins de palier ou l'hôtesse de caisse...
Mère indigne sur laquelle repose toutes les problématiques de l'éducation de l'enfant quand le père se fait la malle ! 
Vous savez ? Ce vieux schéma familial avec "bobonne" à la maison ? Quand le père défaillant n'est jamais fautif de quoi que ce soit, et que c'est déjà un exploit qu'il s'intéresse à la vie de ses rejetons ? Et que c'est celle qui porte tout sur ses épaules, qui n'a pas le droit de flancher, que la société "bien-pensante" se permet de juger !

C'est un roman sur  le poids de la culpabilité : est-ce que je suis une bonne mère telle qu'elle est dessinée dans l'esprit de chacun ? Est-ce que j'ai le droit d'être juste une femme agacée par un mioche pénible quand tant d'autres n'arrivent pas à enfanter ? Est-ce que j'ai le droit de faire une pause, de respirer 5 minutes non synchronisées sur celles de mon enfant ?

S'il y a beaucoup de douceur dans l'écriture de l'auteur, il y a surtout une sorte de fatalisme teinté d'aquoibonisme.. C'est un roman empreint de tendresse, envers cette mère qui se laisse déborder, envers cet enfant en détresse sentimentale...

C'est un livre qui ouvre le débat ! 
D'aucuns trouveront la mère égoïste de vouloir s'échapper "jusqu'à l'aube" pour redonner un souffle à sa vie de femme, certains trouveront aussi qu'on ne fait pas un bébé sans en assumer les conséquences, et d'autres encore pourront considérer que l'égoïsme en ce cas est salutaire et éviterait certains drames infanticides...

J'ai aimé le parallèle établi avec "La chèvre de M. Seguin", et Blanquette qui voudrait plus de lest à sa corde même si c'est au prix d'une mauvaise rencontre avec le Grand Méchant Loup !

Enfin,  quand je lis les commentaires sur Babelio, je me dis que certaines réactions ressemblent à celles que cette mère lit sur son forum, ça manque de solidarité, d'empathie et  certaines femmes sont affreusement cruelles pour leurs congénères dans une situation complexe...
Il y a des progrès à faire !
C'est si facile de juger les autres au nom des "bonnes mœurs", ça laisse songeur ! Qui sommes-nous pour juger, qui êtes-vous pour juger ?

Un beau roman, actuel, qui met l'accent sur le beau combat d'une femme !

(lu dans le cadre du Prix Landerneau des Lecteurs 2018) 

 

Le paradoxe d'Anderson - Pascal MANOUKIAN


Editions du Seuil - Collection Cadre rouge
Parution :16 août 2018
304 pages 
Finaliste du Prix Landerneau des Lecteurs 2018


Ce qu'en dit l'éditeur :

Plus rien n’est acquis. Plus rien ne protège. Pas même les diplômes.

À 17 ans, Léa ne s’en doute pas encore. À 42 ans, ses parents vont le découvrir. La famille habite dans le nord de l’Oise, où la crise malmène le monde ouvrier. Aline, la mère, travaille dans une fabrique de textile, Christophe, le père, dans une manufacture de bouteilles. Cette année-là, en septembre, coup de tonnerre, les deux usines qui les emploient délocalisent. Ironie du sort, leur fille se prépare à passer le bac, section « économique et social ». Pour protéger Léa et son petit frère, Aline et Christophe vont redoubler d’imagination et faire semblant de vivre comme avant, tout en révisant avec Léa ce qui a fait la grandeur du monde ouvrier et ce qui aujourd’hui le détruit. Comme le paradoxe d’Anderson, par exemple. « C’est quoi, le paradoxe d’Anderson ? » demande Aline. Léa hésite. « Quelque chose qui ne va pas te plaire », prévient-elle. Léon, dit Staline, le grand-père communiste, les avait pourtant alertés : « Les usines ne poussent qu’une fois et n’engraissent que ceux qui les possèdent.»


Ce que j'en ai pensé :

Paradoxe d'Anderson :  paradoxe empirique selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas, nécessairement, une position sociale plus élevée...

Ça c'est pour la théorie économique et sociale.

Parce qu'à peine plongée dans les pages de ce roman, c'est de paradoxe universel dont je pourrais parler, celui qui assujettit et asservit les pauvres pour que les riches le soient encore plus. Ce "nouveau monde" qui laisse de côté les plus fragiles, ceux qui s'esquintent sur des machines pour payer leur loyer, faire rêver leurs gosses, et se retrouvent endettés, parfois à la rue, parce que le patron qui les emploie veut produire moins cher ailleurs.

Loin de moi l'idée de mêler la politique à l'affaire, je laisse ça aux autres, mais ce roman donne envie de se réveiller, de faire "bouger les lignes"...

D'autant que l'auteur nous plonge dans une réalité qui nous épargne le pathos, donne corps  à des personnages qui pourraient être vous et moi (ouvrier ou non), et remue quelques principes de bon sens que tout le monde semble oublier aujourd'hui !

J'ai criblé ce roman de "post-it" (je les ai choisis de couleur rose, ils auraient pu être gris orage...voir ci-dessous..) , j'ai trouvé ici une résonance à mes inquiétudes face à un monde qui fout le camp, j'ai ressenti la tristesse (et aussi l'espoir malgré cette fin que je n'attendais pas)?
J'ai trouvé que ce roman était âpre, presque cruel, plus fort que Les échoués, j'ai eu quelques larmes, j'ai été touchée...

Si vous voulez du "feel good" (yerk !), passez votre chemin ! Là, c'est du brut de vie, c'est ce que vivent certains de nos contemporains, c'est salutaire parce que "Bonnie et Tide" ne renoncent pas, parce que, sans tomber dans le "bleu-blanc-rouge" ultra-nationaliste, il reste des gens qui croient encore en l'humain et ne cherche pas du côté de Marine Hitler des solutions à leur désarroi !!

Une belle lecture, une leçon de vie, une autre manière de voir notre monde...indispensable pour créer le futur de nos enfants !

(lu dans le cadre du Prix Landerneau des Lecteurs 2018)



Extraits :


"Les permanences du parti sont autant de salles de shoot, où à l'abri des murs et des slogans on autorise ce qui est interdit : la haine de l'autre, le racisme, le négationnisme. Le plus noir de l'homme est repeint en bleu marine, un camouflage grossier. On n'est plus facho mais patriote, plus raciste mais pour la préférence nationale, plus antisémite mais contre les forces de l'argent." 

"Depuis la grève et le licenciement d'Aline, Christophe n'y croit plus , ni à lui ni aux autres, et à leurs promesses d'un monde meilleur. Dieu, Karl Marx, Mark Zuckenberg se moquent bien d'eux. (...)  ils accumulent plus d’argent que les gouvernements, plus d'informations que les services de renseignements réunis, se moquent des frontières et des impôts, surpassent le pouvoir des États et multiplient les réseaux comme Jésus multipliait les pains, prêchant la même parole : "Likez-vous les uns les autres", mais en réalité ils émiettent les droits les plus élémentaires, dévalisent les vies privées et préparent une société à leur main où tout le monde sera transparent."